Conquête de l’aube

Nous mourons notre mort dans des forêts d’eucalyptus géants dorlotant des échouages de paquebots saugrenus,

dans le pays où croître

drosera irrespirable

pâturant aux embouchures des clartés somnambules

ivre

très ivre guirlande arrachant démonstrativement

nos pétales sonores

dans la pluie campanulaire de sang bleu,

Nous mourons

avec des regards croissant en amours extatiques dans des

salles vermoulues, sans parole de barrage dans nos poches, comme une île

qui sombre dans l’explosion brumeuse de ses polypes –

le soir,

Nous mourons

parmi les substances vivantes renflées anecdotiquement de préméditations

arborisées qui seulement jubilent, qui seulement s’insinuent au cœur même

de nos cris, qui seulement se feuillent de voix d’enfant,

qui seulement rampent au large des paupières dans la marche percée

des sacrés myriapodes des larmes silencieuses,

Nous mourons d’une mort blanche fleurissant de mosquées son poitrail d’absence splendide où l’araignée de perles salive son ardente mélancolie de monère convul-sive

dans l’inénarrable conversion de la
Fin.

Merveilleuse mort de rien.

Une écluse alimentée aux sources les plus secrètes de

l’arbre du voyageur s’évase en croupe de gazelle inattentive

Merveilleuse mort de rien

Les sourires échappés au lasso des complaisances

écoulent sans prix les bijoux de leur enfance

au plus fort de la foire des sensitives en tablier d’ange

dans la saison liminaire de ma voix

sur la pente douce de ma voix

à tue-tête

pour s’endormir.

Merveilleuse mort de rien

Ah ! l’aigrette déposée des orgueils puérils les tendresses devinées

voici aux portes plus polies que les genoux de la prostitution-le château des rosées – mon rêve où j’adore du dessèchement des cœurs inutiles

(sauf du triangle orchidal qui saigne violent comme le

silence des basses terres) jaillir

dans une gloire de trompettes libres à l’écorce écarlate cœur non crémeux, dérobant à la voix large des précipices d’incendiaires et capiteux tumultes de cavalcade.

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Aimé Césaire Apprenti Poète

Par Aimé Césaire

Aimé Césaire, né le 26 juin 1913 à Basse-Pointe et mort le 17 avril 2008 à Fort-de-France, est un écrivain et homme politique français, à la fois poète, dramaturge, essayiste, et biographe.

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A une demoiselle

L’amour nous fait trembler comme un jeune feuillage