C’est un soir d’octobre, à BegMeil.

Par les marches de l’étendue,
Rouges encor d’un sang vermeil,
La nuit pieuse est descendue
Pour ensevelir le soleil.

De ses mains ferventes et pures,
Elle a couché l’astre vital
Dans les somptueuses guipures
Du grand linceul occidental,

Et voici qu’au gouffre atlantique
Où le mort splendide a sombré
L’Océan roule son cantique,
Son immense Dies irae.

Les étoiles, une par une,
Piquent leurs cierges dans le ciel
Et, blanche Antigone, la lune
S’incline au tombeau fraternel.

Sur sa tristesse sidérale
Flottent, en crêpes d’argent clair,
Des pans de brume d’où s’exhale
Comme un goût de larmes dans l’air…

***

O lune, immortelle pleureuse,
A ton deuil cosmique, ce soir,
Permets qu’une âme douloureuse
Mêle son humble désespoir.

Laissemoi croire, pour une heure,
Que tu l’as peutêtre entendu,
Mon cri d’atome humain qui pleure
L’être unique à jamais perdu.

Que de fois, que de fois, ô lune,
Nous avons, Elle et moi, peureux,
En ce même repli de dune,
Tremblé du crime d’être heureux !

Que de fois, sur ces mêmes sables,
Nous avons frissonné soudain
De sentir nos coeurs périssables
Frôlés par l’aile du destin !

Alors vers toi notre prière
Montait ; et ton regard en nous
Distillait, avec sa lumière,
Son dictame apaisant et doux.

***

O lune qui nous fus amie
En ces temps, hélas ! révolus,
La vie en qui j’avais ma vie,
Celle qui m’était tout n’est plus.

Coeur solitaire, corps sans âme,
Réduit à regretter sans fin
Ce qu’une tendresse de femme
Peut contenir de plus divin,

Je viens m’enivrer de ma peine,
Aux lieux qu’entre tous Elle élut,
Et leur offrir ma plainte vaine
Comme un tiste et dernier salut.

***

A BegMeil, par un soir d’automne,
Fut composé ce thrène amer
Le long de la grève bretonne
Où, de Vorlenn à ToularStêr,
Sonne le sanglot de la mer.

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