Excuse

Aux arbres il faut un ciel clair,
L’espace, le soleil et l’air,
L’eau dont leur feuillage se mouille.
Il faut le calme en la forêt,
La nuit, le vent tiède et discret
Au rossignol, pour qu’il gazouille.

Il te faut, dans les soirs joyeux,
Le triomphe ; il te faut des yeux
Eblouis de ta beauté fière.
Au chercheur d’idéal il faut
Des âmes lui faisant làhaut
Une sympathique atmosphère.

Mais quand mauvaise est la saison,
L’arbre perd fleurs et frondaison.
Son bois seul reste, noir et grêle.
Et sur cet arbre dépouillé,
L’oiseau, grelottant et mouillé,
Reste muet, tête sous l’aile.

Ainsi ta splendeur, sur le fond
Que les envieuses te font,
Perd son nonchaloir et sa grâce.
Chez les nuls, qui ne voient qu’hier,
Le poète, interdit et fier,
Rêvant l’art de demain, s’efface.

Arbres, oiseaux, femmes, rêveurs
Perdent dans les milieux railleurs
Feuillage, chant, beauté, puissance.
Dans la cohue où tu te plais,
Regardemoi, regardeles,
Et tu comprendras mon silence.

Le coffret de santal

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Charles Cros Apprenti Poète

Par Charles Cros

Charles Cros, né le 1ᵉʳ octobre 1842 à Fabrezan et mort le 9 août 1888 dans le 6ᵉ arrondissement de Paris, est un poète et inventeur français.

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Or que la nuit et le silence

Versailles