T’es pas beau, l’humain !

Remontant donc les millénaires

jusqu’au temps où (station debout)

tu devins maître de la terre

depuis l’éléphant jusqu’au pou,

tu te déclaras bien tourné,

te sacrant Narcisse à jamais.

Horreur ! De quel oeil te vois-tu,

toi mammifère mal fichu !

Car pour te dire les choses en gros,

t’es pas beau, l’Humain ! T’es pas beau !…
Ta main te devenant l’outil

qui soudain te différentie

(étant quasi seul animal

à marcher à la verticale),

dès lors, balançant tes battoirs

en un va-et-vient ridicule,

tes bras te sont double pendule

marquant ton pas. Sans le vouloir.

Là, pour te dire les choses en gros,

t’es pas beau, l’Humain ! T’es pas beau !…
Dessous les voiles où tu enfermes

les déserts de ton épiderme,

tes crins en touffes et en bouquets

(sortes de burlesques futaies,

poils clairsemés et poils touffus,

forêts, oasis incongrues

où folichonnent tes attraits)

te font paraître bien plus nu.

Ça, pour te dire les choses en gros,

t’es pas beau, l’Humain ! T’es pas beau !…
Car te comparant au félin,

tu es l’ivraie, et lui l’or fin.

Le cheval a plus de noblesse

en chaque patte, en chaque fesse

que toi déployant ton meilleur.

Total aveugle à ta laideur,

tu ris pourtant comme un p’tit fou

en regardant les singes au zoo.

Vrai, pour te dire les choses en gros,

t’es pas beau, l’Humain ! T’es pas beau !…
Ô pesanteur ! Ô triste loi !

Ô traction du haut vers le bas !

C’est perpendiculaire au sol

que ta colonne se détraque,

te faisant vertèbres patraques

dès l’âge où tes chairs seront molles.

Alors, vieille outre flasque et terne,

panoplie de drapeaux en berne…

Bref, pour te dire les choses en gros,

t’es pas beau, l’Humain ! T’es pas beau !…
1981

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