L’Homme entre deux âges, et ses deux Maîtresses

Un homme de moyen âge,
Et tirant sur le grison,
Jugea qu’il était saison
De songer au mariage.
Il avait du comptant,
Et partant
De quoi choisir. Toutes voulaient lui plaire ;
En quoi notre amoureux ne se pressait pas tant ;
Bien adresser n’est pas petite affaire.
Deux veuves sur son coeur eurent le plus de part :
L’une encor verte, et l’autre un peu bien mûre,
Mais qui réparait par son art
Ce qu’avait détruit la nature.
Ces deux Veuves, en badinant,
En riant, en lui faisant fête,
L’allaient quelquefois testonnant,
C’estàdire ajustant sa tête.
La Vieille à tous moments de sa part emportait
Un peu du poil noir qui restait,
Afin que son amant en fût plus à sa guise.
La Jeune saccageait les poils blancs à son tour.
Toutes deux firent tant, que notre tête grise
Demeura sans cheveux, et se douta du tour.
Je vous rends, leur ditil, mille grâces, les Belles,
Qui m’avez si bien tondu ;
J’ai plus gagné que perdu :
Car d’Hymen point de nouvelles.
Celle que je prendrais voudrait qu’à sa façon
Je vécusse, et non à la mienne.
Il n’est tête chauve qui tienne,
Je vous suis obligé, Belles, de la leçon.

Les Fables

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Jean de La Fontaine Apprenti Poète

Par Jean de La Fontaine

Jean de La Fontaine, né le 8 juillet 1621 à Château-Thierry et mort le 13 avril 1695 à Paris, est un poète français de grande renommée, principalement pour ses Fables et dans une moindre mesure pour ses contes.

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