Chanson

Oui ! restons masqués pour le monde !

Il ne vaut pas ce qu’il verrait

Dans notre intimité profonde,

S’il en surprenait le secret !

Il en abuserait, sans doute ;

Il est si cruel et si bas !

Ma Clara, pour toi je redoute

Ce que, toi, tu ne connais pas !
Toi, tu ne connais de la vie

Que ce qu’en a rêvé ton cœur…

Mais moi, Clara, je m’en défie…

Je sais ce qu’elle a de menteur.
Je sais combien font de blessures

Les cœurs jaloux aux cœurs heureux…

Nos masques seront nos armures !

Masquons-nous, Clara, tu le veux !
Glace tes yeux charmants que j’aime ;

Fais mieux, ma Clara ! — remplis-les

De dédain, de cruauté même…

Ris de moi, je te le permets !

Que jamais on ne puisse dire :

« Voyez ! ils se font les yeux doux !

« Ils ont l’un sur l’autre un empire… »

Masquons-nous, Clara, masquons-nous !
Tu n’en seras pas moins charmante,

Et peut-être que tu seras,

Fausse, encore plus enivrante,

Et que mieux tu m’enivreras !

Le charme est si grand, du mystère !

Aux fronts blancs sied le masque noir…

Mentir, c’est mieux que de se taire ;

Se savoir, c’est plus que se voir !

Les poèmes sont des trésors cachés. Partagez les vôtres, comme Éluard partageait ses rêves.

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