Automnales

Doux vents d’automne, attiédissez l’amie!

SAINTE-BEUVE
I.
Voici les vents du sud qui font tomber les fruits

Et s’entr’ouvrir parfois les âmes plus aimées.

Ils passent sur mon front en ondes parfumées,

Hérauts des souvenirs et des espoirs détruits.
Chaque feuille qui vole aux désirs éconduits

Me ramène. J’entends bruire les ramées

Comme les mille voix confuses, animées,

Des rêves dont les cœurs de vingt ans sont séduits.
Que veulent-ils, ces vents qui font courber les branches,

Qui tendent le ciel bleu de fines gazes blanches,

Et gonflent le raisin de soupirs attiédis ?
Que veulent-ils encore à cette âme songeuse

Qu’ils appellent, captive aux essors interdits,

Et qui brise aux murs clos son aile voyageuse ?
II.
O nature, pourquoi ces sentiers ombragés

Qu’on dirait faits exprès pour y passer ensemble ?

Pourquoi l’écho tapi dans les bois, et qui semble

Attendre, curieux, les aveux échangés ?
Pourquoi les chants du nid aux buissons bocagers,

La ronce s’enlaçant au tronc svelte du tremble,

Au lys, comme un baiser, la goutte d’eau qui tremble,

Ces souffles, de l’Amour trop subtils messagers ?
Pourquoi ? Sinon qu’en tes maternelles tendresses,

Il te plairait d’unir toutes les allégresses,

De mêler notre joie a l’extase des cieux.
Il n’est rien, pour nous rendre heureux, que tu ne veuilles,

Et bientôt, exauçant nos vœux capricieux,

Voici les vents du nord qui vont mordre les feuilles.
III.
Mais vents du nord ni vents du sud n’y feront rien ;

Nous ne serons jamais heureux. Les solitudes

Prennent en vain leurs plus tranquilles attitudes ;

Le lys des près en vain s’en fait le doux gardien.
En vain le sentier ouvre au discret entretien

Ses retraits tout remplis de molles quiétudes ;

Ni les déloyautés, ni les ingratitudes

Ne lâcheront le cœur serré de leur lien.
L’homme voit partout l’homme, et son âme abattue,

A l’haleine du mal qui l’opprime et la tue

Ploie et cède vaincue en sa stérilité.
Car tous les ceps n’ont pas de grappes savoureuses,

Je sais des fleurs sans graine et des ciels sans été,

Et sans cher avenir des jeunesses fiévreuses.
IV.
J’ai tort, n’est-il pas vrai ? jours exquis, jours dorés,

De forcer mon esprit jusqu’à ce qu’il oublie

Les trésors de langueur et de mélancolie

Qu’a vos poëtes seuls en ce mois vous offrez.
Que sont auprès de vous, ô concerts ignorés,

Les bruits dont mon oreille est maintenant remplie,

Et l’humaine raison, et l’humaine folie,

Et dans tous nos échos nos vers plus admirés ?
Le ruisseau qui s’égrène en rondes gouttelettes,

La fleur qui livre au vent ses fraîches cassolettes,

Le sentier qui s’en va tout rêveur devant lui,
Le nuage, l’oiseau, le rayon, ce qui doute

Et ce qui change, tout parlerait aujourd’hui…

-Oui, mais le cri d’amour du monde qu’on écoute !
Septembre 18…

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Louisa Siefert Apprenti Poète

Par Louisa Siefert

Louisa Siefert, née à Lyon le 1er avril 1845 et morte à Pau le 21 octobre 1877, est une poétesse française.
Louisa Siefert (1845 - 1877) était une poétesse française qui a laissé une poésie empreinte de douleur mais soutenue d’un vif spiritualisme protestant. Son premier recueil de poèmes, Rayons perdus, paru en 1868, connaît un grand succès. En 1870, Rimbaud s'en procure la quatrième édition et en parle ainsi dans une lettre à Georges Izambard : « J'ai là une pièce très émue et fort belle, Marguerite […]. C'est aussi beau que les plaintes d'Antigone dans Sophocle.»

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