Berceuse

Penchée, elle écoutait dormir l’enfant vermeil.

Victor Hugo.
C’est le matin, l’enfant, la paupière mi-close,

Sur le sein maternel paisiblement repose.

« — Chut ! » disait-elle avec un doux air inquiet,

« Tout à l’heure il rêvait sans doute, il souriat

« Même en dormant, & moi, quoique ce soit étrange

« Et bien fou, n’est-ce pas ? j’imagine qu’un ange

« A notre chérubin vient encore parler

« Lorsque nous le voyons rire ou se désoler,

« Sans que nous comprenions ses larmes ou sa joie.

« L’ange, ce grand mystère où la raison se noie,

« Cette voix qui nous parle au nom du Seigneur Dieu,

« La conscience enfin ! lui conte peu à peu

« Tout ce qu’il faut, hélas ! qu’il sache ou qu’il devine

« Pour vivre. La jeune âme innocente & divine

« Au mal se plaint & crie, au bien s’épanouit.

« Quand nous intervenons l’ange s’évanouit,

« L’enfant pleure… Oh ! je vois à ton méchant sourire

« Que tu doutes ; eh bien, les sages ont beau dire

« Aux mère qu’un enfant n’est qu’un homme comme eux,

« Nous autres qui plongeons dans l’avenir brumeux

« Un regard plein d’effroi, d’espérance, de rêve,

« Nous, qui tremblons toujours que tout nous les enlève,

« Nous, vois-tu, nous sentons l’invisible réseau,

« Le lien idéal qui rattache un berceau

« Au paradis. » Le père, à toutes ces chimères,

Répondait seulement : « — O les mères ! les mères ! »

Et, se penchant vers elle, ajoutait : « — Bah ! dis-moi

« Tout ce que tu voudras ; mais l’ange ici, c’est toi ! »

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Louisa Siefert Apprenti Poète

Par Louisa Siefert

Louisa Siefert, née à Lyon le 1er avril 1845 et morte à Pau le 21 octobre 1877, est une poétesse française.
Louisa Siefert (1845 - 1877) était une poétesse française qui a laissé une poésie empreinte de douleur mais soutenue d’un vif spiritualisme protestant. Son premier recueil de poèmes, Rayons perdus, paru en 1868, connaît un grand succès. En 1870, Rimbaud s'en procure la quatrième édition et en parle ainsi dans une lettre à Georges Izambard : « J'ai là une pièce très émue et fort belle, Marguerite […]. C'est aussi beau que les plaintes d'Antigone dans Sophocle.»

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