Chant de fête

Oh ! moi, je l’entends bien ce monde qui t’admire.

Sainte-Beuve.
Il disait : « — pourquoi ce sourire,

« Pourquoi ces yeux prêts à pleurer,

« Pourquoi rester sans me rien dire,

« Et, tout bas, pourquoi soupirer ?
« Quel regret des choses passées

« Du jour présent vient émerger ?

« Quelle est celle de tes pensées

« Que je ne dois pas partager ?
« Est-ce désir, espoir ou rêve,

« Inquiétude ou souvenir ?

« Souffle de l’aube qui se lève

« Ou de la nuit qui va venir ?
« Est-ce au ciel bleu que tu regardes,

« Aux clairs horizons infinis ?

« Ou bien, cher ange qui nous gardes,

« Est-ce au foyer que tu bénis ?
« Est-ce tes enfants ou ta mère

« Ou celui qui vit à tes pieds ?

« Quelle envie ou quelle chimère

« Fait tes doux regards tout mouillés ?
« Est-ce angoisse ou mélancolie ?

« Ennui, songe vain, vague effroi ?

« Oh ! parle : tristesse ou folie,

« Tu le sais, j’aime tout de toi ! »
Mais elle, relevant la tête,

Répondait : « — Ne comprends-tu pas ?

« Tout à l’heure, au seuil de la fête

« On s’écartait devant nos pas.
« J’entendais un murmure étrange

« Qui s’élevait derrière nous…

« Et c’était un chœur de louange

« Autour du nom de mon époux.
« L’un disait l’œuvre de la veille,

« L’autre le bienfait d’aujourd’hui :

« Tous étaient d’accord, ô merveille !

« Et tous s’inclinaient devant lui.
« Tandis qu’il allait, l’âme fière

« De mon bras passé sous le sien,

« O candeur ! ô vertu première !

« Lui n’entendait, ne voyait rien.
« Mais moi, que sa gloire auréole,

« Que l’honneur de son nom grandit,

« Je recueillais chaque parole

« Et j’écoutais tout ce qu’on dit.
« Aussi pressé-je avec ivresse

« Dans ma main l’anneau nuptial,

« Immortel gage de tendresse,

« Chaînon du lien idéal ;
« Aussi plus que tous admiré-je

« Ces traits lassés & maladifs

« Et ce large front dont la neige

« Couronne les sillons hâtifs ;
« Aussi sens-je un dédain extrême

« Pour les biens dont tous sont jaloux ;

« Car j’ai l’amour pour diadème,

« La joie & l’orgueil pour bijoux. »

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Louisa Siefert Apprenti Poète

Par Louisa Siefert

Louisa Siefert, née à Lyon le 1er avril 1845 et morte à Pau le 21 octobre 1877, est une poétesse française.
Louisa Siefert (1845 - 1877) était une poétesse française qui a laissé une poésie empreinte de douleur mais soutenue d’un vif spiritualisme protestant. Son premier recueil de poèmes, Rayons perdus, paru en 1868, connaît un grand succès. En 1870, Rimbaud s'en procure la quatrième édition et en parle ainsi dans une lettre à Georges Izambard : « J'ai là une pièce très émue et fort belle, Marguerite […]. C'est aussi beau que les plaintes d'Antigone dans Sophocle.»

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Ah ! prends un coeur humain, laboureur trop avide

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