Rêves, anxiétés, soupirs

I
Sans le soupir, le monde étoufferait.

Ampère

Rêves, anxiétés, soupirs, sanglots, murmures,

Vœux toujours renaissants et toujours contenus,

Instinct des cœurs naïfs, espoir des têtes mûres,

Ô désirs infinis, qui ne vous a connus !

Les vents sont en éveil ; les hautaines ramures

Demandent le secret aux brins d’herbe ingénus,

Et la ronce épineuse où noircissent les mûres

Sur les sentiers de l’homme étend ses grands bras nus.

« Où donc la vérité ? » dit l’oiseau de passage.

Le roseau chancelant répète : « Où donc le sage ? »

Le bœuf à l’horizon jette un regard distrait.

Et chaque flot que roule au loin le fleuve immense

S’élève, puis retombe, et soudain reparaît,

Comme une question que chacun recommence.
II
Tout corps traîne son ombre et tout esprit son doute.

Victor Hugo.
À vingt ans, quand on a devant soi l’avenir,

Parfois le front pâlit, on va, mais on est triste ;

Un sourd pressentiment qu’on ne peut définir

Accable, un trouble vague à tout effort résiste.

Les yeux, brillants hier, demain vont se ternir ;

Les sourires perdront leurs clartés. On existe

Encor, mais on languit ; on dit qu’il faut bénir,

On le veut, mais le doute au fond du cœur subsiste.

On se plaint, et partout on se heurte. Navré,

On a la lèvre en feu, le regard enfiévré.

Tout blesse, et, pour souffrir, on se fait plus sensible.

Chimère ou souvenir, temps futur, temps passé,

C’est comme un idéal qu’on n’a pas embrassé,

Et c’est la grande soif : celle de l’Impossible !
III

Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir.

Corneille.

À l’honneur du combat qu’importe la victoire ?

Celui qui pour mourir se couche en son drapeau,

Suaire que son sang a fait tout rouge, est beau :

C’est la fatalité, mais c’est aussi la gloire !

Toute âme est le champ clos d’une bataille noire

Sans trêve ni merci, sans soleil ni flambeau.

Chaque illusion morte y trouve son tombeau

Et dans sa chute entraîne au néant sa mémoire.

Ainsi fiers seulement du devoir accompli,

Tristes cercueils où dort l’amour enseveli

Près des élans fougueux et des grandes pensées,

Nous traînons le fardeau de nos forces lassées ;

Et, nous nous survivons dans cet immense oubli,

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Louisa Siefert Apprenti Poète

Par Louisa Siefert

Louisa Siefert, née à Lyon le 1er avril 1845 et morte à Pau le 21 octobre 1877, est une poétesse française.
Louisa Siefert (1845 - 1877) était une poétesse française qui a laissé une poésie empreinte de douleur mais soutenue d’un vif spiritualisme protestant. Son premier recueil de poèmes, Rayons perdus, paru en 1868, connaît un grand succès. En 1870, Rimbaud s'en procure la quatrième édition et en parle ainsi dans une lettre à Georges Izambard : « J'ai là une pièce très émue et fort belle, Marguerite […]. C'est aussi beau que les plaintes d'Antigone dans Sophocle.»

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