Ô prompt à croire et tardif à savoir

Ô prompt à croire et tardif à savoir
Le vrai, qui tant clairement se peut voir,
A votre coeur reçu telle pensée
Qu’à tout jamais j’en demeure offensée ?
Estil entré dans votre entendement,
Que dans mon coeur y ait un autre amant ?
Hélas ! mon Dieu, avezvous bien pu croire
Qu’autre que vous puisse être en ma mémoire ?
Estil possible ? A mensonge crédit
En votre endroit, ainsi que l’avez dit ?
Pouvezvous bien le croire et le celer
Sans m’en vouloir de m’en ouïr parler ?
Mais voulezvous, avant ouïr, juger
Innocent coeur, très facile à purger ?
Estimezvous le coeur méchant et lâche,
Qui envers vous n’en eut oncq nulle tâche ?
Vous le croyez ; ainsi croyez le doncques ;
Croyez de moi le mal qui n’y fut oncques,
Croyez de moi, contre la vérité,
Tout le rebours de ce que ai mérité,
Jà n’en sera mon visage confus,
Car je sais bien quelle je suis et fus.
En votre endroit, et hiver et été
Et quel aussi m’êtes et avez été.
J’ai le coeur net, et la tête levée,
Pleine d’amour très ferme et éprouvée.
Je puis aller, mais sus tout ne refuse
De mon bon droit faire jamais excuse.
Pensez de moi ce qu’il vous plaît penser ;
Je ne vous veux courroucer ne offenser,
Puisque voulez notre amitié parfaite
Être soudain par soupeçon défaite.
C’est doncques vous, de cruelle nature,
Qui, sans propos, en faites la rupture.
Vous le voulez ; garder ne vous en puis,
Bien que du tout en l’extrémité suis.
De désespoir, voyant mon innocence,
Ma vraie amour avoir pour récompense.
Un tel adieu, par lequel m’accusez,
Du méchant cas dont assez vous usez :
C’est d’en aimer un autre avecques vous.
Il n’est pas vrai, je le dis devant tous,
Et Dieu, qui voit le profond de mon coeur
Prends à témoin, lui priant que vainqueur
Par vérité soit de cette mensonge,
Qui en soi n’a force non plus qu’un songe.
Je lui remets mon droit entre les mains,
Lui suppliant que à vous, ami, au moins
Avant ma mort fasse voir clairement
Comme vous seul j’ai aimé fermement.
Il le vous peut dedans le coeur écrire,
Mais mon ennui ne me permet le dire ;
Porter le veux, le mieux que je pourrai ;
Si je ne puis par regret je mourrai.

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Marguerite De Navarre Apprenti Poète

Par Marguerite De Navarre

Marguerite de Navarre, née Marguerite d'Angoulême le 11 avril 1492 à Angoulême et morte le 21 décembre 1549 à Odos-en-Bigorre, est la sœur de François Ier.

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J’ay voulu voyager, à la fin le voyage

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