Coq-à-l’âne

Ami, je n’ai Laquais, ni Page,
Qui bien sût faire mon message,
Ne telle chose raconter
Que me sens au cerveau monter
En cette plaine, et bel espace.

Mon Dieu, comme le monde passe
En oisiveté par simplesse !
Ne voiton point tant de sagesse
Que le plus fol demeure maître ?
Il n’y a rien si beau, que d’être
Auprès de quelque beau donneur.

Seraitce pas grand déshonneur
De la laisser ainsi pucelle ?
Je ne dis pas que ce fût elle
Qui m’a donné l’occasion.

Cherchons autre occupation
Pour parvenir à la légère :
Car volontiers une étrangère
Sera toujours la mieux venue,
Pour autant que, quand elle est nue,
Elle change d’accoutrement :
Comme celui qui point ne ment,
Quand il s’excuse sur un compte.

Nul n’est tenu de rendre compte
Après la paye du reçu.
Ô qu’il est bien pris, et déçu,
Le doux Pigeon aux Tourterelles !

Laissons cela : ce sont querelles
Que les Grecs eurent aux Troyens.
On ne vit onc tant de moyens
Depuis que le tabourin sonne.

Qui saurait comme l’eau de Saône
Fait le beau teint aux Damoiselles,
Tant de peine ne prendraient celles
À distiller pour se noircir
Je voulais dire : à s’éclaircir
Leur blanche et délicate peau.

À mal juger ne faut appeau :
Puis qu’on n’en paye que l’amende :
Celui qui me doit, me demande !

Mais c’est chose par trop notoire,
Que l’on nous peut bien faire croire,
Qu’une robe faite à l’antique
Ne montre le corps si étique,
Bien qu’il soit un petit trop juste
Pour courtisaner à la buste.

Mais j’en croirais plus tôt la preuve
De son ami, quand il la treuve
Sur le fait de la piperie.

C’est ce qui perd la confrérie
De saint Amour, qui nous surprend,
Puis qu’en lieu de donner on prend.

Or à Dieu donc, lâche journée,
Puis qu’elle est jà tant séjournée,
Que l’on n’en corne plus la prise :
Tant y va le pot qu’il se brise,
Qui nous fait après bon métier.

S’elle savait bien le métier,
On ne craindrait point le danger
De ce plaidoyeur étranger :
Mais qu’on le plume sans mentir
Avant qu’il le puisse sentir.

(Épître I)

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