05 – Le méchant toujours tremble, il est tout en alarme… [XLI à L]

XLI.
Le méchant toujours tremble, il est tout en alarme

L’œil d’un homme de bien le tient comme abattu ;

De Rome tout le monde a redouté les armes

Rome d’un seul Caton redoute la vertu.
XLII.
Le vice aveugle l’âme et son jugement brouille,

Confond le bien au mal, tient que le laid soit beau,

L’ordure ses délices : ainsi vit la grenouille,

Dans le sale bourbier qu’elle estime un ruisseau.
XLIII.
Aux plus grandes maisons le vice a fait des brèches,

Dont l’homme pour cela moins clairement ne luit :

Les méchants ne sont rien aux bons, les branches sèches

En l’arbre n’ont point part, les vives font le fruit.
XLIV.
Si on donnoit la Cour aux hommes à l’épreuve,

Personne n’en voudroit quand il l’auroit goûté :

Les plus heureux toujours des misères y treuve,

Et fait que son bonheur lui a bien cher coûté.
XLV.
N’aimer rien, craindre tout, dissimuler le vice,

Savoir accommoder son cœur en cent façons,

Refuser l’amitié, et offrir le service,

Sont des galants de Cour les premières leçons.
XLVI.
Ne bâtis ton séjour sur le sable stérile

De la mer, de la Cour, les bons s’y font méchants,

Le Temple du repos étoit hors de la Ville,

Le Sauveur est la fleur qui se cueillit aux champs.
XLVII.
Qui veut faire à la Cour ses affaires se trompe,

Si avec l’hardiesse l’ardeur il n’est prompt :

Car afin qu’importun à tous la tête il rompe,

Il faut premièrement qu’il se rompe le front.
XLVIII.
Qui n’a regret du temps qui se perd pour attendre

Quelque bienfait du Roi, n’a point de jugement :

Les biens qui sont perdus un Prince les peut rendre,

Mais il ne peut du temps réparer un moment.
XLIX.
N’est-ce pas tout l’excès d’une folie insigne,

Voir un vieillard languir inutile à la Cour,

Contrefaire le jeune, et tout blanc comme un signe,

Tirer le chariot de la mère d’Amour.
L.
Jamais des mains d’un grand le petit ne s’échappe,

C’est un rat se jouant proche du chat qui dort,

Qui le laisse courir, puis tout à coup l’attrape,

Et ses caresses font les signes de la mort.

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Par Pierre Matthieu

Pierre Matthieu, ou Pierre Mathieu (forme modernisée ; Pesmes, 1563 - Toulouse, 1621) est un écrivain, poète et dramaturge et historiographe comtois.

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