Le dernier de mes jours est dessus l’horizon

xxSur l’éloignement prochain de la comtesse de
La Roche, ou de la vicomtesse d’Auchy.

1608.

Le dernier de mes jours est dessus l’horizon ;
Celle dont mes ennuis avaient leur guérison
S’en va porter ailleurs ses appas et ses charmes.
Je fais ce que je puis, l’en pensant divertir :
Mais tout m’est inutile, et semble que mes larmes
Excitent sa rigueur à la faire partir.

Beaux yeux, à qui le ciel et mon consentement,
Pour me combler de gloire, ont donné justement
Dessus mes volontés un empire suprême,
Que ce coup m’est sensible ! et que tout à loisir
Je vais bien éprouver qu’un déplaisir extrême
Est toujours à la fin d’un extrême plaisir !

Quel tragique succès ne dois-je redouter
Du funeste voyage où vous m’allez ôter
Pour un terme si long tant d’aimables délices,
Puisque, votre présence étant mon élément,
Je pense être aux enfers et souffrir leurs supplices,
Lorsque je m’en sépare une heure seulement !

Au moins si je voyais cette fière beauté
Préparant son départ cacher sa cruauté
Dessous quelque tristesse ou feinte ou véritable ;
L’espoir qui volontiers accompagne l’amour,
Soulageant ma langueur la rendrait supportable,
Et me consolerait jusques à son retour.

Mais quel aveuglement me le fait désirer ?
Avec quelle raison me puis-je figurer
Que cette âme de roche une grâce m’octroie,
Et qu’ayant fait dessein de ruiner ma foi,
Son humeur se dispose à vouloir que je croie
Qu’elle a compassion de s’éloigner de moi ?

Puis étant son mérite infini comme il est,
Dois-je pas me résoudre à tout ce qui lui plaît,
Quelques lois qu’elle fasse et quoi qu’il m’en advienne,
Sans faire cette injure à mon affection,
D’appeler sa douleur au secours de la mienne,
Et chercher mon repos en son affliction ?

Non, non : qu’elle s’en aille à son contentement,
Ou dure, ou pitoyable, il n’importe comment ;
Je n’ai point d’autre vœu que ce qu’elle souhaite :
Et quand de mes souhaits je n’aurais jamais rien,
Le sort en est jeté, l’entreprise en est faite,
Je ne saurais brûler d’autre feu que le sien.

Je ne ressemble point à ces faibles esprits
Qui, bientôt délivrés comme ils sont bientôt pris,
En leur fidélité n’ont rien que du langage :
Toute sorte d’objets les touche également :
Quant à moi, je dispute avant que je m’engage ;
Mais quand je l’ai promis, j’aime éternellement.

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François de Malherbe Apprenti Poète

Par François de Malherbe

François de Malherbe est un poète français, né à Caen vers 1555 et mort à Paris le 16 octobre 1628. Il est le fils de François, écuyer, seigneur de Digny, conseiller au bailliage et présidial de Caen, et de Louise Le Vallois.

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