Au Roi

Jeune Mars, à qui les alarmes
Sont des plaisirs délicieux,
Puissent tes belliqueuses armes
Étonner la terre et les cieux !
Que la postérité ravie
Face confesser à l’Envie
Qu’admirables sont tes exploits ;
Ton nom grossisse les histoires,
Et ne s’entretiennent les rois
Que du récit de tes victoires !

Que le rebelle trouble-sceptre,
Puni de sa témérité,
Sache combien pèse la dextre
D’un si grand monarque irrité !
Maudisse à jamais ce rebelle,
Les boute-feux de la Rochelle,
Et que l’hérétique insolent,
En son malheur puisse comprendre
La grandeur du feu violent
Par l’abondance de la cendre !

Écrase ces monstres superbes ;
D’Hercule imitant les travaux,
Trempe les rézoyantes herbes
Du noir venin de ces crapauds ;
Et si ce crocodile pleure,
Te souvienne, mon prince, à l’heure
Qu’en l’an cinq cent soixante et trois,
Cette abominable furie
Fit de tout l’empire françois
Une sanglante boucherie.

Grand roi, ta clémence infinie
Mériterait quelque guerdon (*),
Si le crime de félonie (*)
Était capable de pardon,
Et si d’un puissant coup d’épée,
Une tête au hydre coupée,
Les autres mouraient peu à peu ;
Mais, d’une sept prennent naissance,
Et ne faut guère de ce feu
Pour faire un brasier de la France.

Enfin, ta douceur excessive
Tournerait en rigueur pour nous :
L’ulcère souvent récidive
Quand les remèdes sont trop doux.
Louable est la miséricorde ;
Mais, aussi faut-il qu’on m’accorde
Que plus le serpent est nourri,
Plus son venin est mortifère,
Et qu’il faut au membre pourri
Ou le couteau, ou le cautère.

Que du point où Phébus dévale
Chez Thétis pour faire l’amour,
Jusqu’où l’amante de Céphale
Ouvre la barrière du jour,
Et depuis la bouillante Afrique
Jusqu’où le nomade Scitique
Roule ses taudis vagabonds,
En tel estime soient tes armes,
Qu’à jamais le nom des Bourbons
Soit invoqué dans les alarmes !

Tu seras le miroir des princes,
Et désormais les plus grands rois
Ne gouverneront leurs provinces
Qu’au patron de tes justes lois ;
Ta gloire sera sans seconde,
Et si l’on croit encore au monde
À la pluralité des dieux,
Les payens, meuz de tes exemples,
T’érigeront en mille lieux
Autels, sacrifices et temples.

Pourquoi non, puis que tant d’oracles
Prédisent tes futurs lauriers,
Et que l’on voit tant de miracles
Reluire en tes actes guerriers ?
Phœnix des monarques de France.
Si la justice et la vaillance
Mirent Hercule au rang des dieux,
Où sera ta grandeur auguste ?
Y eut-il jamais sous les cieux
Un roi plus vaillant et plus juste ?

* Guerdon : Récompense.
* Félonie : Traîtrise.

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André Lemoyne Apprenti Poète

Par Jean Auvray

Jean Auvray, né vers 1580, probablement en Normandie et mort avant 1624, est un poète satirique français. Jean Auvray a été chirurgien à Rouen, et ne saurait être confondu avec son homonyme dramaturge contemporain, avocat à Paris.

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