Pulchra Nimis

Dans la rade où se joue une brise odorante,
Aujourd’hui je voguais, au retour de Sorrente.
Je rapportais à Naples un radieux butin,
Un beau thyrse de fleurs écloses du matin,
Merveilles de ces bords, telles qu’à sa Madone,
Le premier jour de mai, Sorrente seule en donne.
La pervenche à l’iris, la rose au lis des bois
S’y mêlaient ; de rosée ils humectaient mes doigts.
Un sceptre eût mal payé mon bouquet d’herbes folles,
Tant l’humide faisceau de pistils, de corolles,
Infiltrait à mon âme un pur enivrement. —
Malgré mes deux rameurs, je voguais lentement.
Tout à coup, vif oiseau dont la plume étincelle,
A passé près de nous une agile nacelle ;
Elle allait à Sorrente, à juger par l’essor
De son foc, qui brillait comme une lame d’or.
A sa poupe un rameur, — vieillard au poil de neige, —
A sa proue une femme, une reine, que sais-je ?
Jamais femme ici-bas, jamais royale enfant
N’eut, marqué sur le front, signe plus triomphant.
Ses opulents cheveux, noirs comme la nuit même,
Autour de ce front blanc nouaient leur diadème,
Où flottaient et brillaient, aux tresses du bandeau,
Deux tiges de jasmins chargés de gouttes d’eau.
Son œil, — oh ! Qu’il fera souffrir quelque pauvre âme !
Son œil lançait l’éclair que projette la rame,
Quand, sortant de la mer aux reflets du couchant,
Elle luit et reluit comme un acier tranchant.
Un corsage aminci de velours écarlate,
Une jupe où la hanche aisément se dilate,
Un collier de corail entremêlant ses tours,
Une croix d’or au sein : voilà ses seuls atours.
Sa lèvre, comme un arc sous la main qui le plie,
Se courbait de dédain ou de mélancolie ;
Et, tandis qu’un bras nu portait son front charmant,
L’autre, dans le flot clair, pendait négligemment.
Extase de mon œil, trop vite évanouie !
Sa nacelle Volait sur la mer éblouie :
Je n’ai pu que lancer d’une rapide main
Toutes mes fleurs vers elle, et l’atteindre en chemin.
Elle, sans simuler ni crainte ni surprise,
A vu tomber la gerbe à ses pieds, — et l’a prise
D’un geste simple et lent, comme un hommage dû,
Comme un don de vassal qu’un regard m’a rendu.
Ah ! J’étais trop payé de mon indigne hommage,
Ô superbe inconnue, adorée au passage !
Vous emportiez mes fleurs ; moi, combien mieux doté,
J’emportais ton image, éclatante beauté !

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Joseph Autran Apprenti Poète

Par Joseph Autran

Joseph Autran est un poète et auteur dramatique français, né le 20 juin 1813 à Marseille et mort le 6 mars 1877 à Marseille.

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