Le visage nuptial (1944)

Le visage nuptial (1944)

 

À présent disparais, mon escorte, debout dans la distance;

La douceur du nombre vient de se détruire.

Congé à vous, mes alliés, mes violents, mes indices.

Tout vous entraîne, tristesse obséquieuse.

J’aime.

 

L’eau est lourde à un jour de la source.

La parcelle vermeille franchit ses lentes branches à ton front, 

dimension rassurée.

Et moi semblable à toi,

Avec la paille en fleur au bord du ciel criant ton nom,

J’abats les vestiges,

Atteint, sain de clarté.

 

Tu rends fraîche la servitude qui se dévore le dos;

Risée de la nuit, arrête ce charroi lugubre

De voix vitreuses, de départs lapidés.

 

Tôt soustrait au flux des lésions inventives

(La pioche de l’aigle lance haut le sang évasé)

Sur un destin présent j’ai mené mes franchises

Vers l’azur multivalve, la granitique dissidence.

 

Ô voûte d’effusion sur la couronne de son ventre,

Murmure de dot noire!

Ô mouvement tari de sa diction!

Nativité, guidez les insoumis, qu’ils découvrent leur base,

L’amande croyable au lendemain neuf.

Le soir a fermé sa plaie de corsaire où voyageaient les fusées 

vagues parmi la peur soutenue des chiens.

Au passé les micas du deuil sur ton visage.

 

Vitre inextinguible: mon souffle affleurait déjà l’amitié 

de ta blessure,

Armait ta royauté inapparente.

Et des lèvres du brouillard descendit notre plaisir 

au seuil de dune, au toit d’acier.

La conscience augmentait l’appareil frémissant deta permanence;

La simplicité fidèle s’étendit partout.

 

Timbre de la devise matinale, morte saison 

de l’étoile précoce,

Je cours au terme de mon cintre, colisée fossoyé.

Assez baisé le crin nubile des céréales:

La cardeuse, l’opiniâtre, nos confins la soumettent.

Assez maudit le havre des simulacres nuptiaux:

Je touche le fond d’un retour compact.

Ruisseaux, neume des morts anfractueux,

Vous qui suivez le ciel aride,

Mêlez votre acheminement aux orages de qui sut guérir 

de la désertion,

Donnant contre vos études salubres.

Au sein du toit le pain suffoque à porter coeur et lueur.

Prends, ma Pensée, la fleur de ma main pénétrable,

Sens s’éveiller l’obscure plantation.

 

Je ne verrai pas tes flancs, ces essaims de faim, se dessécher, 

s’emplir de ronces;

Je ne verrai pas l’empuse te succéder dans ta serre;

Je ne verrai pas l’approche des baladins inquiéter 

le jour renaissant;

Je ne verrai pas la race de notre liberté servilement se suffire.

 

Chimères, nous sommes montés au plateau.

Le silex frissonnait sous les sarments de l’espace;

La parole, lasse de défoncer, buvait au débarcadère angélique.

Nulle farouche survivance:

L’horizon des routes jusqu’à l’afflux de rosée,

L’intime dénouement de l’irréparable.

 

Voici le sable mort, voici le corps sauvé:

La Femme respire, l’Homme se tient debout.

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René Char Apprenti Poète

Par René Char

René Char, né le 14 juin 1907 à L'Isle-sur-la-Sorgue et mort le 19 février 1988 à Paris, est un poète et résistant français.

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