Histoire d’une ourse

Une ourse fit son entrée dans la ville.

Elle marchait pesamment

Et des gouttes d’eau brillaient dans son pelage

Comme des diamants.
Elle marcha méconnue,

Elle marcha par les rues

Dans son manteau poilu.
La foule passait,

Nul ne la regardait

Et même on la bousculait.
Enfin la nuit tomba à genoux

Laissant ruisseler ses cheveux roux

Dans les ruisseaux pleins de boue,
Dans la mer en mal de marée,

Sur les prairies, sur les forêts

Et sur les villes illuminées.
L’ourse disparut aspirée par les nombres

Avec la foule, avec les ombres

Confondues dans les décombres.
Seuls quelques astronomes,

Embusqués sous des dômes,

Virent passer son fantôme.
Qu’on te nomme Grande Ourse

Tandis que tu poursuis ta course

Vers la lumière et vers ses sources,
Que l’on te pare d’étoiles

Et que du fond de leur geôle

Les prisonniers te voient passer devant le soupirail,
Ourse qu’importe, ourse de plume,

Ourse rugissante et bavant l’écume,

Plus étincelante qu’un marteau frappant l’enclume.
Ourse qu’importe la fable

Et ta piste sur le sable

S’effilochant comme un vieux câble.
J’entends des pas lourds dans la nuit,

J’entends des chants, j’entends des cris,

Les cris, les chants de mes amis.
Leurs pas sont lourds

Mais quand naîtra le jour

Naîtra la liberté et l’amour.
Qu’il naisse demain ou dans cent ans

Il sera fait de lumière et de sang

Et renouvellera les quatre éléments.
Plus lourdes que l’ourse dans la cité

Par le monde je sens monter

La grande invasion, la grande marée.
Grande Ourse au ciel tu resplendis

Tandis que j’écoute dans la nuit

Les cris, les chants de mes amis.

La poésie transcende le temps. Écrivez comme Baudelaire, commentez comme Aragon, et laissez votre empreinte.

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