Neige

La neige tombe en flocons

Sur les toits, sur les balcons.

C’est à se croire en Norvège.

Les gazons gèlent, tapis

Sous un merveilleux tapis.

Car il neige, il neige, il neige.
Pour combiner, en ses jeux,

Un effet de blanc neigeux,

Le ciel a jeté ses perles.

Mais ces parures de cour

Sont un mince régal, pour

Les moineaux et pour les merles.
Par ce temps, ils n’errent pas.

Mais enfin, pour quel repas

Cette nappe est-elle mise?

La Terre, montrant son flanc,

Est dans un vêtement blanc,

Comme une dame en chemise.
Or, mesdames, le rimeur

Se livre à sa belle humeur,

Et sur les routes divines

Aux harmonieux dessins,

Voit les blancheurs de vos seins

Et celles de vos poitrines.
Sous la neige ensevelis,

Mais levant leurs fronts pâlis

Que le vent ne peut abattre,

Les arbres un peu tremblants,

Ont tous des panaches blancs,

Comme le roi Henri Quatre.
Les petits dos féminins

Sont comme des Apennins;

Et Flavie, Emma, Nadège,

Pour qui j’enfle mes pipeaux,

Sur leurs élégants chapeaux

Emportent des fleurs de neige.
Des loups, terreur des marmots,

Pénètrent dans les hameaux,

Plus sérieux que des mages,

Et si j’en crois le journal,

On en voit dans Épinal,

Où se vendent les images.
Ces loups, fuyant nos paris,

Ne viennent pas à Paris.

Mais dans ce Paris, qui m’aime

Et qui, malgré les méchants,

Écoute parfois nos chants,

Nous en avons tout de même.
Ces chasseurs qui passent dans

La ville, ont du sang aux dents.

O Balzac! c’est toi qui trouves

Ces meurtriers, ces filous;

Nous avons beaucoup de loups,

Et même aussi, quelques louves.
Sveltes comme des fuseaux,

Elles tendent leurs museaux

De bêtes aventurières,

Et plus d’un sage barbon

Estime qu’il serait bon

D’exterminer ces guerrières.
Mais le prudent louvetier

Veut bien les amnistier,

Si leur candeur les protège;

Et ne soyez pas surpris

Que ces louves de Paris

Aient la blancheur de la neige!

19 février 1889.

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Théodore de Banville Apprenti Poète

Par Théodore de Banville

Etienne Jean Baptiste Claude Théodore Faullain de Banville, né le 14 mars 1823 à Moulins (Allier) et mort le 13 mars 1891 à Paris, est un poète, dramaturge et critique français. Célèbre pour les « Odes funambulesques » et « les Exilés », il est surnommé « le poète du bonheur ».

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