Rien a craindre

Ne craignez rien
Gens honnêtes et exemplaires
Il n’y a pas de danger
Vos morts sont bien morts
Vos morts sont bien gardés
Il n’y a rien à craindre
On ne peut vous les prendre
Ils ne peuvent se sauver

Il y a des gardiens dans les cimetières
Et puis

Tout autour des tombes

Il y a un entourage de fer

Comme autour des lits-cages

Où dorment les enfants en bas âge

Et c’est une précaution sage

Dans son dernier sommeil

Sait-on jamais

Le mort pourrait rêver encore

Rêver qu’il est vivant

Rêver qu’il n’est plus mort

Et secouant ses draps de pierre

Se dégager

Et se pencher

Et tomber de la tombe

Comme un enfant du lit

Horreur et catacombes

Retomber dans la vie

Vous voyez cela d’ici

Tout serait remis en question

L’affection et la désolation

Et la succession

Rassurez-vous braves gens

Honnêtes et exemplaires

Vos morts ne reviendront pas

S’amuser sur la terre

Les larmes ont été versées une fois pour toutes

Et il n’y aura pas

n n’y aura jamais plus à revenir là-dessus

Et rien dans le cimetière

Ne sera saccagé

Les pots de chrysanthèmes resteront à leur place

Et vous pourrez vaquer en toute tranquillité

L’arrosoir à la main devant le mausolée

Aux doux labeurs champêtres des éternels regrets.

Voter pour ce poème!

Jacques Prévert Apprenti Poète

Par Jacques Prévert

Jacques Prévert, né le 4 février 1900 à Neuilly-sur-Seine et mort le 11 avril 1977 à Omonville-la-Petite, est un poète français. Auteur de recueils de poèmes, parmi lesquels Paroles, il devint un poète populaire grâce à son langage familier et à ses jeux sur les mots.

Ce poème vous a-t-il touché ? Partagez votre avis, critique ou analyse !

Écrivez comme un Verlaine, commentez comme un Hugo, et vous serez un pilier de notre communauté poétique.
S’abonner
Notifier de
Avatar
guest
0 Avis
Inline Feedbacks
View all comments

Si les pleurs douloureux, si les tristes complaintes

La vie ardente