Au Pierrot de Willette
Cher Pierrot, qui d’un clin d’oeil
Me montre tout ce qui m’aime,
J’aime ta joie, et ton deuil
Même!
Je t’aime, de froid transi
Et terrassé par le jeûne,
Et tremblant d’amour, et si
Jeune!
J’aime ton regard de feu,
Ta bravoure et ton coeur mâle,
Bien que tu sembles un peu
Pâle.
Car sous le céleste dais
Tu vas, bon pour toutes choses,
Ayant même pitié des
Roses.
Charmé par le falbala,
Tu t’en vas, l’âme ravie,
Toujours déchiré par la
Vie.
Avec son rire moqueur
Elle te berce et t’enseigne
Les vérités et ton coeur
Saigne.
Ah! comme il brille, éperdu,
Le vin rose et peu sévère,
Dans la transparence du
Verre!
Ah! que l’Amour, tu le sais,
Près des belles demoiselles,
Nous caresse bien de ses
Ailes!
Silencieux marmouset,
Les fillettes vagabondes,
Tu les aimes, brunes et
Blondes.
Et quand elles prennent soin
De se montrer pour toi douces,
Tu les aimes, au besoin,
Rousses.
Parmi les cieux musicaux
Fuyant parfois nos désastres,
Fou, tu t’envoles jusqu’aux
Astres.
Lorsque devant toi passa
Le doux Zéphyr qui l’emporte,
Quel Éden a fermé sa
Porte?
Va, tu peux le dire, aucun.
Par malheur, lorsqu’il s’achève,
On le voit, ce n’était qu’un
Rêve.
Et beau festin de gala,
Rire, clarté, fleur, étoile,
S’éteignent, quand tombe la
Toile!
1884.