Ballade pour célébrer les pucelles

Puisque Paris, fou de poudre de riz,

Veut qu’on se plâtre en manière de cygne,

Et qu’il a fait ses plaisirs favoris

De ces gotons qui se peignent un signe,

Je tourne bride et change ma consigne.

Loue avec nous, Amour, méchant garçon,

La gerbe d’or qui sera ta moisson;

Viens, lorsqu’on suit les saintes jouvencelles

Qui vont tressant leurs voix à l’unisson,

Il sied de boire en l’honneur des pucelles.
Le parfumeur vend les Jeux et les Ris

Et sous les yeux on se trace une ligne.

On badigeonne un front comme un lambris;

C’est trop de luxe et je m’en sens indigne.

Qu’on me ramène à la feuille de vigne!

Oh! quelle gloire, ignorer sa leçon!

Balbutier l’immortelle chanson!

Rien n’est cruel et divin comme celles

Que fait rougir un timide frisson:

Il sied de boire en l’honneur des pucelles.
Les vierges sont des coeurs et des esprits,

Et la candeur sereine les désigne.

Leurs francs appas sont comme un gai pourpris

Jonché de rose et de blancheur insigne;

Le lys les nomme et la neige les signe.

Leurs bras polis sont froids comme un glaçon

Et le Désir niche dans le buisson

De leurs cheveux, où brillent des parcelles

D’or, ouvragé d’une riche façon.

Il sied de boire en l’honneur des pucelles.
Envoi.
Il faut se rendre et leur payer rançon,

Lorsque Vénus, guidant son enfançon,

Dans leurs yeux noirs jette des étincelles.

Le vin bouillonne; allons, verse, échanson,

Il sied de boire en l’honneur des pucelles.
Avril 1861.

Écrivez comme un Verlaine, commentez comme un Hugo, et vous serez un pilier de notre communauté poétique.

Laisser un commentaire