Décor

Théodore de Banville
par Théodore de Banville
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Dans les grottes sans fin brillent les Stalactites.
Du cyprès gigantesque aux fleurs les plus petites,

Un clair jardin s’accroche au rocher spongieux,

Lys de glace, roseaux, lianes, clématites.
Des thyrses pâlissants, bouquets prestigieux,

Naissent, et leur éclat mystique divinise

Des villes de féerie au vol prodigieux.
Voici les Alhambras où Grenade éternise

Le trèfle pur ; voici les palais aux plafonds

En feu, d’où pendent clairs les lustres de Venise.
Transparents et pensifs, de grands sphinx, des griffons

Projettent des regards longs et mélancoliques

Sur des Dieux monstrueux aux costumes bouffons.
Dans un tendre cristal aux reflets métalliques

S’élancent, dessinant le rhythme essentiel,

Vos clochetons à jour, ô sveltes basiliques,
Et sous l’arbre sanglant et providentiel

De la croix, sont éclos, enamourés des mythes,

Les vitraux où revit tout le peuple du ciel.
Stalactites tombant des voûtes, stalagmites

Montant du sol, partout les orgueilleux glaçons

Argentent de splendeurs l’horizon sans limites.
Babels de diamants où courent des frissons,

Colonnes à des Dieux inconnus dédiées,

Souterrains éblouis, miraculeux buissons,
Tout frémit : cent lueurs baignent, irradiées,

Les coupoles qui sont pareilles à des cieux.

Pourtant c’est le destin, voûtes incendiées !
Le voyageur, ravi dans ce lieu précieux

Et sachant qu’une Nymphe auguste est son hôtesse,

Parfois sur vos trésors lève un oeil soucieux.
Quel trouble appesanti sur leur délicatesse

Pare de la langueur mourante du sommeil

Ces merveilles du rêve, et d’où vient leur tristesse ?
Hélas ! l’ardent soleil de Dieu, le vrai soleil

Ne les éclaire pas de son regard propice

Et fait voler plus haut ses flèches d’or vermeil.
Sous un mont que jamais le lierre ne tapisse,

Vit cet enchantement qui tremble au son du cor,

Gardé par la caverne et par le précipice.
Mais (chère nymphe, ô Muse inassouvie encor,

Que devance le choeur ailé des Métaphores),

Pour installer ce rare et flamboyant décor,
Sous ces blancs chapiteaux et ces arceaux sonores

Où les métaux ont mis leur charme et leurs poisons,

Il a fallu les pleurs des Soirs et des Aurores.
Car, toi pour qui le roc orna ces floraisons

De rose, de safran et d’azur constellées,

Tu le sais, Poésie, ange de nos raisons,
Ces caprices divins sont des larmes gelées !
Décembre 1846.

Théodore de Banville

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