Psyché

Psyché, dont la grâce inouïe

Charmait l’éther essentiel,

Voltige, encor tout éblouie,

Car elle vient du profond ciel.
Et pâle des apothéoses,

Sa lèvre à l’orgueil indompté

Boit dans le calice des roses

Un élixir de volupté.
Tantôt folâtre et sérieuse,

Avec l’oubli des jours défunts,

Elle sourit, victorieuse,

Dans la lumière et les parfums.
Mais fier comme Hermès trismégiste,

Par là, triste et la haine au flanc,

Passe un jeune entomologiste,

Avec sa boîte de fer-blanc.
Murmurant quelque diatribe,

Il porte un filet, comme les

Jeunes filles de monsieur Scribe,

Mais avec des gestes plus laids.
Il voit Psyché pleine de joie

Et son aile de vermillon

Dans la lumière qui flamboie.

Il dit: Ah! le beau papillon!
Ayant fini sa vie aptère,

Il vole à présent vers les cieux.

Il me faut ce lépidoptère

Dont l’aspect est délicieux.
Je crois que c’est une femelle.

Prenons-la. Pour la fatiguer,

Je veux être léger comme elle.

Je prétends la cataloguer.
Moyennant une grande épingle,

J’en serai quitte. C’est pour rien.

C’est cela qui perce et qui cingle

Et fixe un être aérien.
C’est ainsi que j’ai fait mon siège.

Car je veux la clouer, par ton,

Sur un joli morceau de liège

Étiqueté dans un carton.
Oui, vous y passerez, ma mie,

Avec un joli numéro

Conforme à la taxonomie.

Vous embellirez mon bureau.
A ces mots il se précipite,

Et ce disciple de Homais,

Atteignant l’Ame qui palpite,

La prend avec ses gros doigts. Mais
Devançant les troupes d’oiselles,

Psyché perd seulement un peu

De la poussière de ses ailes

Et s’évade vers le ciel bleu.
Au milieu des Instituts calmes

Déjà voyant son front lauré,

Cousant à son habit des palmes,

Toujours s’écriant: Je l’aurai!
Le savant que ce jeu suffoque,

Court et reprend haleine, et court,

Souffle et s’essouffle comme un phoque

Et finalement reste court;
Et Psyché, fulgurante et leste,

Avec des vols désordonnés,

S’engouffre dans l’azur céleste,

En lui faisant des pieds de nez!
16 septembre 1890.

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Théodore de Banville Apprenti Poète

Par Théodore de Banville

Etienne Jean Baptiste Claude Théodore Faullain de Banville, né le 14 mars 1823 à Moulins (Allier) et mort le 13 mars 1891 à Paris, est un poète, dramaturge et critique français. Célèbre pour les « Odes funambulesques » et « les Exilés », il est surnommé « le poète du bonheur ».

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