L’Univers-Solitude

Les fruits du jour couvés par la terre

Une femme une seule ne dort pas

Les fenêtres sont couchées.
Une femme chaque nuit

Voyage en grand secret.
Villages de la lassitude

Où les filles ont les bras nus

Comme des jets d’eau

La jeunesse grandit en elles

Et rit sur la pointe des pieds.
Villages de la lassitude
Où tous les êtres sont paiejls.
Pour voir les yeux où l’on s’enferme

Et les rires où l’on prend place.
Des insectes entrent ici

Ombres grésillantes du feu

Une flamme toute rouillée Éclabousse le sommeil

Son lit de chair et ses vertus.
La montagne la mer et la belle baigneuse

Dans la maison des pauvres

Sur le ciel fané qui leur tient lieu d’ombrage

Se dissimulent molle et mille lampes sombres.
Un champ de reflets joint les larmes

Ferme les yeux

Tout est comblé.
A la suite des images
La masse de la lumière roule vers d’autres rêves.
Le corps et les honneurs profanes
Incroyable conspiration
Des angles doux comme des ailes

Mais la main qui me caresse

C’est mon rire qui l’ouvre

C’est ma gorge qui la retient

Qui la supprime.
Incroyable conspiration
Des découvertes et des surprises.
Fantôme de ta nudité

Fantôme enfant de ta simplicité

Dompteur puéril sommeil charnel

De libertés imaginaires.
Plume d’eau claire pluie fragile

Fraîcheur voilée de caresses

De regards et de paroles

Amour qui voile ce que j’aime.
A ce souffle à ce soleil d’hier
Qui joint tes lèvres
Cette caresse toute fraîche
Pour courir les mers légères de ta pudeur
Pour en façonner dans l’ombre
Les miroirs de jasmin
Le problème du calme.
Une chanson de porcelaine bat des mains
Puis en morceaux mendie et meurt
Tu te souviendras d’elle pauvre et nue
Matin des loups et leur morsure est un tunnel
D’où tu sors en robe de sang
A rougir de la nuit
.Que de vivants à retrouver
Que de lumières à éteindre
Je t’appellerai

Visuelle
Et multiplierai ton image.
Désarmée
Elle ne se connaît plus d’ennemis.
Rôdeuse au front de verre
Son cœur s’inscrit dans une étoile noire
Ses yeux montrent sa tête
Ses yeux sont la fraîcheur de l’été
La chaleur de l’hiver
Ses yeux s’ajourent rient très fort
Ses yeux joueurs gagnent leur part de clarté.
Elle s’allonge

Pour se sentir moins seule.
Il fait clair je me suis couvert

Comme pour sortir du jour
Colère sous le signe atroce

De la jalousie l’injustice

La plus savante
Fais fuir ce ciel sombre
Casse ses vitres
Donne-les à manger aux pierres
Ce faux ciel sombre

Impur et lourd.
J’admirais descendant vers toi

L’espace occupé par le temps

Nos souvenirs me transportaient
Il te manque beaucoup de place

Pour être toujours avec moi.
Déchirant ses baisers et ses peurs
Elle s’éveille la nuit
Pour s’étonner de tout ce qui l’a remplacée.
Au quai de ces ramures
Les navigateurs ne prospèrent pas
Paupières abattues par l’éclat l’écho du feu
Au quai des jambes nues
Perçant le corps dans l’ombre sourde
La trace des tentations s’est perdue.
Les fleuves ne se perdent qu’au pays de l’eau

La mer s’est effondrée sous son ciel de loisirs

Assise tu refuses de me suivre

Que risques-tu

J’amour fait rire la douleur

Et crier sur les toits l’impuissance du monde.
La solitude est fraîche à ta gorge immobile

J’ai regardé tes mains elles sont semblables

Et tu peux les croiser

Tu peux f attacher à toi-même
C’est bien — puisque tu es la seule je suis seul.
Une prison découronnée
En plein ciel
Une fenêtre enflammée
Où la foudre montre ses seins
Une nuit toute verte
Nul ne sourit dans cette solitude
Ici le feu dort tout debout
A travers moi.
Mais ce sinistre est inutile

Je sais sourire

Tête absurde
Dont la mort ne veut pas dessécher les désirs
Tête absolument libre
Qui gardera toujours et son regard et son sourire.
Si je vis aujourd’hui
Si je ne suis pas seul
Si quelqu’un vient à la fenêtre
Et si je suis cette fenêtre
Si quelqu’un vient
Ces yeux nouveaux ne me voient
Ne savent pas ce que je pense
Refusent d’être mes complices
Et pour aimer séparent.
A la clarté du droit de mort

Fuite à visage d’innocent
Au long d’une brume aux branches filantes

Au long des étoiles fixes

Les éphémères régnent.
Le temps la laine^e l’ivoire

Roulant sur une route de ciré.
Derrière moi mes yeux se sont fermés

La lumière est brûlée la nuit décapitée
Des oiseaux plus grands que les vents

Ne savent plus où se poser.
Dans les tourments infirmes dans lès rides des rires
Je ne cherche plus mon semblable
La vie s’est affaissée mes images sont sourdes
Tous les refus du monde ont dit leur dernier mot
Ils ne se rencontrent plus ils s’ignorent
Je suis seul je suis seul tout seul
Je n’ai jamais changé.

Paul Eluard
Solitude

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Paul Eluard Apprenti Poète

Par Paul Eluard

Paul Éluard, nom de plume d'Eugène Grindel, né à Saint-Denis le 14 décembre 1895 et mort à Charenton-le-Pont le 18 novembre 1952, est un poète français. En 1916, il choisit le nom de Paul Éluard, patronyme emprunté à sa grand-mère maternelle, Félicie.

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