Elle se Fit Élever un Palais

Un taillis de nuages sur un rond-point solaire
Un navire chargé de paille sur un torrent de quartz
Une petite ombre qui me dépasse
Une femme plus petite que moi
Pesant autant dans la balance des pygmées
Qu’un cerveau d’hirondelle sur le vent contraire
Que la source à l’œil vague sur la marée montante
Un jour plus loin l’horizon ressuscite
Et montre au jour levant le jour qui n’en finissait plus
Le toit s’effondre pour laisser entrer le paysage

Haillons des murs pareils à des danses désuètes

La fin maussade d’un duel à mort où naissent des
retraites des bougies

La mise au tombeau comme on tue la vermine
Rire aux éclats une palette qui se constitue
La couleur brûle les étapes
Court d’éblouissements en aveuglements
Montre aux glaciers d’azur les pistes du sang
Le vent crie en passant roule sur ses oreilles
Le ciel éclatant joue dans le cirque vert
Dans un lac sonore d’insectes
Le verre de la vallée est plein d’un feu limpide et
doux

Comme un duvet

Cherchez la terre

Cherchez les routes et les puits les longues veines
souterraines

Les os de ceux qui ne sont pas mes semblables

Et que personne n’aime plus

Je ne peux pas deviner les racines

La lumière me soutient
Cherchez la nuit
Il fait beau comme dans un lit
Ardente la plus belle des adoratrices
Se prosterne devant les statues endormies de son
amant

Elle ne pense pas qu’elle dort

La vie joue l’ombre la terre entière

Il fait de plus en plus beau nuit et jour

La plus belle des amantes

Offre ses mains tendues

Par lesquelles elle vient de loin

Du bout du monde de ses rêves

Par des escaliers de frissons et de lune au galop

A travers des asphyxies de jungle

Des orages immobiles
Des frontières de ciguë
Des nuits amères
Des eaux livides et désertes
A travers des rouilles mentales
Et des murailles d’insomnie
Tremblante petite fille aux tempes d’amoureuse
Où les doigts des baisers s’appuient contre le cœur
d’en haut

Contre une souche de tendresse

Contre la barque des oiseaux

La fidélité infinie
C’est autour de sa tête que tournent les heures sûres du lendemain
Sur son front les caresses tirent au clair tous les mystères
C’est de sa chevelure
De la robe bouclée de son sommeil
Que les souvenirs vont s’envoler
Vers l’avenir cette fenêtre nue
Une petite ombre qui me dépasse

Une ombre au matin.

Paul Eluard

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Paul Eluard Apprenti Poète

Par Paul Eluard

Paul Éluard, nom de plume d'Eugène Grindel, né à Saint-Denis le 14 décembre 1895 et mort à Charenton-le-Pont le 18 novembre 1952, est un poète français. En 1916, il choisit le nom de Paul Éluard, patronyme emprunté à sa grand-mère maternelle, Félicie.

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