Hatouara

Elle ne connaît pas les modes européennes
Crépus et d’un noir bleuâtre ses cheveux sont relevés
à la japonaise et retenus par des épingles en corail

Elle est nue sous son kimono de soie

Nue jusqu’aux coudes
Lèvres fortes
Yeux langoureux
Nez droit
Teint couleur de cuivre clair
Seins menus
Hanches opulentes
Il y a en elle une vivacité une franchise des mouvements
et des gestes

Un jeune regard d’animal charmant
Sa science : la grammaire de la démarche
Elle nage comme on écrit un roman de 400 pages

Infatigable

Hautaine

Aisée
Belle prose soutenue
Elle capture de tout petits poissons qu’elle met dans le creux de sa bouche
Puis elle plonge hardiment
Elle file entre les coraux et les varechs polycolores
Pour reparaître bientôt à la surface
Souriante
Tenant à la main deux grosses dorades au ventre d’argent
Toute fière d’une robe de soie bleue toute neuve de ses babouches brodées d’or d’un joli collier de corail qu’on vient de lui donner le matin même
Elle m’apporte un panier de crabes épineux et fantasques et de ces grosses crevettes des mers tropicales que l’on appelle des « caraques » et qui sont longues comme la main

Blaise Cendrars

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