Il faut que se précise en moi

Il faut que se précise en moi ce qui, jusqu’à présent, ne fut qu’une sanglante douleur. Une douleur  soufferte et pressentie dans mon enfance, et dont la conscience m’était apportée comme l’écho d’une existence autre à travers les lignes enchevêtrées  d’un monde qui n’a pas encore totémisé son apparence millénaire, mais qui me renvoyait des débris d’existences anciennes.
Je savais que j’étais mort renversé, déchiré par un lourd chariot emporté par des chevaux emballés. C’était dans une ruelle étroite, où l’attelage qui m’avait renversé avait tout juste la place de dévaler à toute vitesse, risquant à chaque seconde de s’accrocher aux pierres usées des constructions qui s’élevaient de part et d’autre de cet étroit boyau.
J’étais mort là, brutalement déchiqueté, les membres broyés, la cervelle éclatée, et longtemps je restai le seul témoin horrifié de ces débris, qui représentaient la forme double de mon existence éternelle
reprise de siècle en siècle sur une terre pour qui je me sentais une affreuse tendresse. Cette mort fut peut-être la communion suprême de ma vie avec ces pierres froides, avec ce monde de pierres, de détritus, de débris. Est-ce à cette seconde de ma mort que me vint la prescience de ma destinée future, je ne sais. Mais que je sois mort en communion avec la terre énergétique et sanglante par ma dépouille éclatée, qui me semblait crépiter sur un sol en proie tout à coup à la désintégration virtuelle de sa naissance sempiternelle, infiniment tordue et misérablement agglomérée par le travail de la satanisation divine, je ne sais  combien de temps je suis resté saisi par l’éblouissante révélation de ma mort ténébreuse. Je me souviens qu’au fond de tout cela il y avait les hurlements d’une myriade de monstres, une immense clameur, et que j’appartenais pour des siècles de domination à ce monde retourné.

La poésie se renouvelle avec chaque commentaire. Soyez le souffle de la renaissance.

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