Abdellatif Laâbi

Né à Fès en 1942, Abdellatif Laâbi apprend le français à l’école dans un Maroc encore colonie française. Après des études de lettres françaises à l’université de Rabat, il devient professeur de français tout en s’engageant dans la nouvelle vie politique et littéraire de la nation nouvellement indépendante.

En 1966, Abdellatif Laâbi participe à la fondation du journal politique et culturel Souffles. Par l’absence de tout dogme et idéologies et l’ouverture à toutes les formes d’expressions littéraires, Souffles est un vent de renouveau culturel dans le monde arabe et permet à Tahar Ben Jelloun ou Rachid Boudjedra entre autres d’exercer leurs talents créatifs. Souffles devient ainsi la publication littéraire et politique la plus prépondérante du Maghreb dans les années 60 et 70, étendant son influence au-delà des frontières marocaines vers la nouvelle génération d’artistes et d’intellectuels de la région tout le long des vingt-deux numéros en français et huit numéros en arabe publiés.

En 1972, Abdellatif Laâbi est arrêté pour son action politique de gauche et la publication du journal est suspendue. Torturé, il restera en prison pendant huit ans. Il parviendra à faire sortir des textes pendant son emprisonnement à Kénitra, donnant naissance au recueil de poèmes « Le règne de barbarie » (1976), et les lettres qu’il écrira de prison seront collectées dans « Chroniques de la citadelle d’exil » (1983), tournées et réécrites dans une forme de poèmes en prose qui formeront l’un des récits d’emprisonnement les plus remarquables jamais écrits. L’ oeuvre carcérale de Laâbi est en même temps sobre et lyrique, lucide et émotionnelle. Il se démarque clairement de son oeuvre antérieure, comme « L’ oeil de la nuit » (1969), qui était surréaliste et libre.

Libéré en 1980, Laâbi vit en France depuis 1985, continuant à écrire autour des thèmes qui lui sont chers. Dans « La Brûlure des interrogations » (1985), livre d’entretiens avec Jacques Alessandra, il s’interroge sur les relations entre l’intellectuel et l’Etat et explore avec franchise et honnêteté les problèmes de l’écrivain dans les sociétés pauvres et despotiques. Le reste de son oeuvre est composé de romans, de recueils de poèmes comme « Discours sur la colline arabe » (1985), de pièces de théâtre comme « Le baptême chacaliste » (1987) et de livres pour enfants. Dans ses oeuvres récentes, il revient au lyrisme de ses débuts, avec « Poèmes périssables » (2000) par exemple dans lequel il s’interroge sur la nature de la poésie, détachée des préoccupations sociales et politiques et uniquement focalisée sur la langue et le plaisir des mots. En 2006, il publie « Œuvre poétique », premier volume d’une collection de toute son oeuvre. Laâbi a également traduit en français des oeuvres en langue arabe, dont « Autobiographie du voleur de feu » (1987) de l’irakien Abdelwahab Al Bayati.

Le style littéraire de Laâbi rappelle la tradition orale du Maroc. Il passe d’un genre à l’autre dans un style qu’il qualifie d’itinéraire, hors de toute convention. Son choix d’utiliser le français au lieu de l’arabe découle de sa volonté d’utiliser la langue la plus apte à sortir la conscience marocaine aussi bien de la colonisation que des pesanteurs de la tradition.

Laâbi a été élevé au rang de Commandeur des Arts et Lettres en 1985. Il a reçu entre autres récompenses le Prix de la liberté du Pen Club français en 1980, le Prix de Poésie Wallonie-Bruxelles ou encore le prix Albert Droin de la Société des Gens de Lettres.