Ardoises
Septembre
C’est la convalescence des vacances déjà le premier sommeil de l’été
Entre l’arbre du bien et du mal et
l’écorce terrestre le doigt de
Dieu est
resté coincé
Sur un toit le spectre solaire s’est couché il a jeté dans la gouttière son sceptre doré
il a tiré sur lui la couverture bleu de nuit mais sur l’ardoise toute neuve l’empreinte d’un poisson très ancien frétille
et le réveille et aussi
la voix du couvreur fredonnant son opéra journalier
Onze par onze huit par seize neuf par douze les vitres du vitrier
les framboises du framboisier
onze par onze
les mille feuilles de l’ardoisier
ardoise noire de brune
ardoise gris souris
ardoise bleue de lune
satin du matin
velours de la nuit
ardoise éblouie
chante le couvreur ébloui aussi
Ardoise
Patinage des chats
Miroir de
Barbe-Bleue
Vestige des vents heureux
Marelle des oiseaux endeuillés
Oasis des oiseaux exténués
Gazon du somnambule
Vertige du funambule
Ardoise
Ardoise
Soudain le couvreur la met en veilleuse
et interrompt le labeur
Il se demande quelque chose
le couvreur
Pourquoi dans le langage du malheur c’est
toujours la tuile qui tombe
jamais l’ardoise
Parce que je porte bonheur
répond l’ardoise de sa voix craquante et têtue de sa voix chaude et frileuse
utile
heureuse
Elle sait ce qu’elle dit l’ardoise
dit le couvreur
et c’est à moi qu’elle le dit
c’est gentil
Elle est polie l’ardoise
elle répond à quelque chose
et quelque chose c’est ma question
Il y a tant de choses qui ne disent rien
Tant de gens qui ne répondent à rien
Elle c’est une jolie chose
L’ardoise
Au théâtre des êtres toute chose a son rôle à jouer apparaître et disparaître faire peur faire plaisir faire pleurer et rire
Au théâtre des eaux et forêts
comme au théâtre des toits
l’ardoise est une reine
et la plus belle
Une reine très ancienne
et les trilobites sont ses sujets
Asphalte le roi noir des maquereaux antillais
laissant là sur le pavé
son jeu de dames éparpillé
ose à peine jeter vers elle ses trop beaux
yeux écarquillés
Parcourant un vieux dictionnaire on peut
facilement trouver
«
Ardoise »
Reine verticale
Vespasien était son vassal
et
Wallace le roi des fontaines de
Paris son ami
quand elle régnait sur les eaux épanchées
et penchées sur les forêts de réverbères la nuit
Ardoise,
dit encore le couvreur
c’est toujours aujourd’hui
la reine de l’espoir
la reine du coup de rouge
la reine de l’oubli noir
Crédit son bouffon gris
ne cesse de valser
dans son nuage de poussière de craie
Et les mauvais clients du malheur
les bons vivants rêveurs et titubants
lisent toujours en se marrant
le faire-part de deuil hilarant
Crédit est mort et pour longtemps
Crédit est mort vive
Crédit
Ce cri unanime est leur cri la
Reine
Ardoise efface tout et sourit.
Un commentaire
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.
Merveilleux texte