Les Boubous

Oh ces négresses que l’on rencontre dans les environs du village nègre chez les trafiquants qui aunent la percale de traite
Aucune femme au monde ne possède cette distinction cette noblesse cette démarche cette allure ce port cette élégance cette nonchalance ce raffinement cette propreté

cette hygiène cette santé cet optimisme cette inconscience cette jeunesse ce goût
Ni l’aristocrate anglaise le matin à

Hydepark
Ni l’Espagnole qui se promène le dimanche soir
Ni la belle

Romaine du

Pincio
Ni les plus belles paysannes de

Hongrie ou d’Arménie
Ni la princesse russe raffinée qui passait autrefois en
traîneau sur les quais de la

Neva

Ni la

Chinoise d’un bateau de fleurs

Ni les belles dactylos de

New-York

Ni même la plus parisienne des

Parisiennes

Fasse

Dieu que durant toute ma vie ces quelques formes
entrevues se baladent dans mon cerveau
Chaque mèche de leurs cheveux est une petite tresse de
la même longueur ointe peinte lustrée

Sur le sommet de la tête elles portent un petit ornement
de cuir ou d’ivoire qui est maintenu par des fils de
soie colorés ou des chaînettes de perles vives

Cène coiffure représente des mois de travail et toute leur
vie se passe à la faire et à la refaire

Des rangs de piécettes d’or percent le cartilage des
oreilles

Certaines ont des incisions colorées dans le visage sous
les yeux et dans le cou et toutes se maquillent avec
un art prodigieux

Leurs mains sont recouvertes de bagues et de bracelets
et toutes ont les ongles peints ainsi que la paume de
la main

De lourds bracelets d’argent sonnent à leurs chevilles et
les doigts de pieds sont bagués

Le talon est peint en bleu

Elles s’habillent de boubous de différentes longueurs
qu’elles portent les uns par-dessus les autres ils sont
tous d’impression de couleur et de broderies variées
elles arrivent à composer un ensemble inouï d’un goût
très sûr où l’orangé le bleu l’or ou le blanc dominent

Elles portent aussi des ceintures et de lourds grigris

D’autres plusieurs turbans célestes

Leur bien le plus précieux est leur dentition impeccable
et qu’elles astiquent comme on entretient les cuivres
d’un yacht de luxe

Leur démarche tient également d’un fin voilier

Mais rien ne peut dire les proportions souples de leur
corps ou exprimer la nonchalance réfléchie de leur
allure

Blaise Cendrars

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Blaise Cendrars Apprenti Poète

Par Blaise Cendrars

Blaise Cendrars, de son vrai nom Frédéric-Louis Sauser, est un écrivain d'origine suisse, naturalisé français, né le 1er septembre 1887 à La Chaux-de-Fonds, dans le canton de Neuchâtel (Suisse), et mort le 21 janvier 1961 à Paris. Il est également connu sous les pseudonymes de Freddy Sausey, Frédéric Sausey, Jack Lee, et Diogène.

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