Poésie

Paul Valéry
par Paul Valéry
0 vues
0.0

Par la surprise saisie,

Une bouche qui buvait

Au sein de la Poésie

En sépare son duvet:
-Ô ma mère Intelligence,

De qui la douceur coulait

Quelle est cette négligence

Qui laisse tarir son lait?
À peine sur ta poitrine,

Accablé de blancs liens,

Me berçait l’onde marine

De ton coeur chargé de biens;
À peine, dans ton ciel sombre,

Abattu sur ta beauté,

Je sentais, à boire l’ombre,

M’envahir une clarté!
Dieu perdu dans son essence,

Et délicieusement

Docile à la connaissance

Du suprême apaisement,
Je touchais à la nuit pure,

Je ne savais plus mourir,

Car un fleuve sans coupure

Me semblait me parcourir…
Dis, par quelle crainte vaine,

Par quelle ombre de dépit,

Cette merveilleuse veine

À mes lèvres se rompit?
Ô rigueur, tu m’es un signe

Qu’à mon âme je déplus!

Le silence au vol de cygne

Entre nous ne règne plus!
Immortelle, ta paupière

Me refuse mes trésors,

Et la chair s’est faite pierre

Qui fut tendre sous mon corps!
Des cieux même tu me sèvres,

Par quel injuste retour?

Que seras-tu sans mes lèvres?

Que serai-je sans amour?
Mais la Source suspendue

Lui répond sans dureté:

-Si fort vous m’avez mordue

Que mon coeur s’est arrêté!

Paul Valéry

Qu’en pensez-vous ?

Partagez votre ressenti pour Paul Valéry

Noter cette création
1 Étoile2 Étoiles3 Étoiles4 Étoiles5 Étoiles Aucune note
Commenter

Soyez l'inspiration comme Rimbaud, la passion comme Sartre, et commentez avec l'âme d'un poète.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Nouveau sur LaPoesie.org ?

Première fois sur LaPoesie.org ?


Rejoignez le plus grand groupe d’écriture de poésie en ligne, améliorez votre art, créez une base de fans et découvrez la meilleure poésie de notre génération.