Nommons Couture !

J’ai l’amour-propre de me croire le seul artiste

véritablement sérieux de notre époque (vous voyez que

j’ai le courage de mes opinions).

THOMAS COUTURE, lettre à M. de Villemessant,

Figaro du 28 janvier 1857.

Puisque, hormis Couture,

Les professeurs

Qui font de la peinture

Sont des farceurs ;
Puisque ce dogmatiste

Mystérieux

Reste le seul artiste

Bien sérieux ;
Puisque seuls les gens pingres

Ont le dessein

D’admirer encore Ingres

Et son dessin ;
Puisque tout ce qui cause

Dit que la croix

Fut offerte sans cause

A Delacroix ;
Puisque toute la Souabe

Sait que Decamps

N’a jamais vu d’Arabe

Ni peint de camps ;
Puisque, même au Bosphore,

Chacun saura

Que Fromentin ignore

Le Sahara ;
Puisque, sous les étoiles,

L’univers n’est

Pas encombré des toiles

Que fait Vernet
Puisque l’homme féroce

Nommé Troyon

Ne connaît ni la brosse

Ni le crayon ;
Puisque dans nul ouvrage

Rosa Bonheur

Ne rend le labourage

Avec bonheur ;
Puisqu’on doit sans alarme

Croiser le fer

Contre tous ceux que charme

Ary Scheffer ;
Puisqu’en vain les Osages,

Ont par lazzi

Loué des paysages

De Palizzi ;
Puisque sans argutie,

On peut nier

L’exacte minutie

De Meissonier ;
Puisque à moins qu’on soit ivre

De très bon vin,

On ne saurait pas vivre

Près d’un Bonvin ;
Puisque l’on ne réserve

Ni Daumier, ni

L’étincelante verve

De Gavarni ;
Puisqu’il faut les astuces

D’un Esclavon

Pour célébrer les Russes

D’Adolphe Yvon ;
Foin des gens qui travaillent

Pour nous berner !

Que tous les peintres aillent

Se promener !
Puisque seul il s’excepte,

Et j’y consens,

Ah ! que Couture accepte

Tout notre encens !
Qu’il règne en sa chapelle !

Que Camoëns

Ressuscité, l’appelle

Aussi Rubens !
Qu’il parle à ses apôtres

En Iroquois !

On ira dire aux autres

De rester cois !
Pose ton manteau sombre

Sur ce qu’ils font ;

Couvre-les de ton ombre,

Oubli profond !
Et poursuis comme Oreste,

Fatalité,

Ce chœur dont rien ne reste,

Couture ôté !
Janvier 1857.

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Théodore de Banville Apprenti Poète

Par Théodore de Banville

Etienne Jean Baptiste Claude Théodore Faullain de Banville, né le 14 mars 1823 à Moulins (Allier) et mort le 13 mars 1891 à Paris, est un poète, dramaturge et critique français. Célèbre pour les « Odes funambulesques » et « les Exilés », il est surnommé « le poète du bonheur ».

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