Scientifique

Lentement, vers la fin du jour,

Une voix murmurait dans l’ombre:

Amour! Amour! Amour! Amour!

Au milieu de la forêt sombre.
Quelqu’un disait: L’essentiel

N’est pas la gloire et sa fumée.

Non, le vrai, c’est de voir le ciel

Dans les yeux de la bien-aimée.
Une bouche peut s’embraser

Lorsqu’une autre bouche s’y pose.

On voit dans le divin baiser

L’éblouissement d’une rose.
La haie en fleur, l’étang dormant

Ont le souffle qui vous enivre.

Pour être heureux tout bêtement,

Il suffit de se laisser vivre.
Écoute l’yeuse et le pin!

Bon laboureur, chéris ta femme

Et baise-la comme du pain,

Tandis que le bon air t’affame.
Quant aux hors-d’oeuvre superflus,

Ami, bien fol est qui s’y fie.

Et l’on ne trouve rien de plus

Dans toute la philosophie. –
Ainsi parlait, génie, esprit,

Je ne sais qui, dans l’ombre noire,

Au bois où l’églantier fleurit

Près de l’étang glacé de moire.
J’écoutais, regardant les cieux

Où s’allume la chrysoprase,

Et je marchais, silencieux,

D’un pas léger, sur l’herbe rase.
Je trouvais les instants bien courts,

Dans la grande forêt magique,

Et je dis: Quel est ce discours

Si raisonnable et si logique? –
Et tandis que tombait la nuit,

Écartant le houx et la ronce,

Je marchais sans faire de bruit,

Car j’attendais une réponse.
Les oiseaux, chers petits bandits,

Mettaient les branches au pillage.

Bientôt, près de moi, j’entendis

Un froissement dans le feuillage.
Pâle dans le fluide azur,

Ame que le bruit importune,

Avec son blanc visage pur

Apparaissait la douce lune;
Et, choeurs envolés, se nouant

Parmi les zéphyrs qui soupirent,

Je vis des Nymphes se jouant,

Blanches figures, qui me dirent:
Oui, tu peux t’instruire, en effet,

Au bruit de la brise et des ailes.

Quel est ce discours tout à fait

Sage? continuèrent-elles,
En jetant leurs cheveux flottants

Sur leurs tuniques sans agrafes:

C’est la chère voix du Printemps

Qui parle dans nos phonographes!
17 septembre 1889.

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Théodore de Banville Apprenti Poète

Par Théodore de Banville

Etienne Jean Baptiste Claude Théodore Faullain de Banville, né le 14 mars 1823 à Moulins (Allier) et mort le 13 mars 1891 à Paris, est un poète, dramaturge et critique français. Célèbre pour les « Odes funambulesques » et « les Exilés », il est surnommé « le poète du bonheur ».

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