Vomito Negro

Le paysage n’est plus égayé par des jardins ou des forêts
C’est la plaine nue et morne où s’élève à peine de loin en loin
Une touffe de bambous
Un saule rabougri
Un eucalyptus tordu par les vents
Puis c’est le marais
Vous voyez ces fumées jaunâtres
Ce brouillard gris au ras du sol agité d’un tressaillement perpétuel
Ce sont des millions de moustiques et les exhalaisons jaunes de la pourriture
Il y a là des endroits où les noirs eux-mêmes ne sauraient vivre
De ce côté le rivage est bordé de grands palétuviers

Leurs racines enchevêtrées qui plongent dans la vase
sont recouvertes de grappes d’huîtres empoisonnées

Les moustiques et les insectes venimeux formait un
nuage épais au-dessus des eaux croupissantes

A côté des inoffensives grenouilles-taureaux on aperçoit
des crapauds d’une prodigieuse grosseur

Et ce fameux serpent-cercueil qui donne la chasse à
ses victimes en gambadant comme un chien

Il y a des mares où pullulent les sangsues couleur ardoise

Les hideux crabes écarlates s’ébattent autour des caïmans
endormis

Dans les passages où le sol est le plus ferme on rencontre
des fourmis géantes

Innombrables et voraces
Sur ces eaux pourries dans ces fanges vénéneuses

S’épanouissent des fleurs d’un parfum étourdissant et d’une senteur capiteuse et têtue
Éclatent des floraisons d’azur de pourpre
Des feuillages chromés
Partout
L’eau noire se couvre d’un tapis de fleurs que troue la tête plate des serpents
J’ai traversé un buisson de grands mimosas

Us s’écartaient de moi sur mon passage

Os écartaient leurs branches avec un petit sifflement

Car ce sont des arbres de sensibilité et presque de nervosité
Au milieu des lianes de jalap pleines de corolles parlantes
Les grands échassiers gris et roses se régalent de lézards croustillants et s’envolent avec un grand bruit d’ailes à notre approche
Puis ce sont d’immenses papillons aux couleurs de soufre de gentiane d’huile lourde
Et des chenilles de taille

Blaise Cendrars

Voter pour ce poème!

Blaise Cendrars Apprenti Poète

Par Blaise Cendrars

Blaise Cendrars, de son vrai nom Frédéric-Louis Sauser, est un écrivain d'origine suisse, naturalisé français, né le 1er septembre 1887 à La Chaux-de-Fonds, dans le canton de Neuchâtel (Suisse), et mort le 21 janvier 1961 à Paris. Il est également connu sous les pseudonymes de Freddy Sausey, Frédéric Sausey, Jack Lee, et Diogène.

Ce poème vous a-t-il touché ? Partagez votre avis, critique ou analyse !

Chaque commentaire est une goutte de pluie dans notre océan de poésie. Ajoutez votre averse, à la manière de Hugo.
S’abonner
Notifier de
Avatar
guest
0 Avis
Inline Feedbacks
View all comments

Cantique

Les Tombeaux champêtres