Étoile de la mer, voici la lourde nef

Où nous ramons tout nuds sous vos commandements ;

Voici notre détresse et nos désarmements ;

Voici le quai du Louvre, et l’écluse, et le bief.
Voici notre appareil et voici notre chef.

C’est un gars de chez nous qui siffle par moments.

Il n’a pas son pareil pour les gouvernements.

Il a la tête dure et le geste un peu bref.
Reine qui vous levez sur tous les océans,

Vous penserez à nous quand nous serons au large.

Aujourd’hui c’est le jour d’embarquer notre charge.

Voici l’énorme grue et les longs meuglements.
S’il fallait le charger de nos pauvre vertus,

Ce vaisseau s’en irait vers votre auguste seuil

Plus creux que la noisette après que l’écureuil

L’a laissée retomber de ses ongles pointus.
Nuls ballots n’entreraient par les panneaux béants,

Et nous arriverions dans la mer de Sargasse

Traînant cette inutile et grotesque carcasse

Et les Anglais diraient : ils n’ont rien mis dedans.
Mais nous saurons l’emplir et nous vous le jurons

Il sera le plus beau dans cet illustre port

La cargaison ira jusque sur le plat-bord

Et quand il sera plein nous le couronnerons.
Nous n’y chargerons pas notre pauvre maïs,

Mais de l’or et du blé que nous emporterons.

Et il tiendra la mer : car nous le chargerons

Du poids de nos péchés payés par votre Fils.
1913