Le Succès

J’cours après le succès

avec mes p’tits papiers.

On m’claque les portes au nez.

Faut s’y habituer…
Je n’cesse de cavaler

avec mes grands pannards.

Ça viendra tôt ou tard.

Faut se le répéter…
J’cours avec mes chansons

que personne n’a chantées,

qu’on ne chantera pas

et c’est tant pis pour moi…
Et je garde l’illusion

d’un p’tit talent caché

qu’on me découvrira

quand je n’serai plus là…
Quelqu’un de bien coté

a dit que ça lui plaît

et toute la société

en choeur l’a répété…
On me voit d’un oeil neuf.

C’est plus parfait que l’oeuf

ce succès qui me vient

quand j’m’y attends le moins…
Me tombe une avalanche

de fleurs et de louanges

qu’en habits du dimanche

je ne refuse point…
Simple étant de manières,

à l’aise dans les hautes sphères,

je me laisse approcher.

Modeste resterai…
Car je suis à la Une.

On récite mes pensées.

Et chacun et chacune

s’arrache mes papiers…
Au milieu du festin

s’en viennent des coquins

qui ont l’esprit chagrin

et veulent faire les malins…
Ce sont méchants hiboux

et autres loups-garous

jurant de me détruire

alors que l’on m’admire…
Ils disent à tout-venant

que des gens bien en vue

m’auraient traité de cul.

Je répète comme j’entends…
On me voit d’un oeil neuf,

une espèce d’oeil-de-boeuf

On m’fait une drôle de trogne.

Et dedans moi… ça cogne…
C’est à recommencer.

Les moutons sont au pré

qui ne peuvent décider

si j’suis bon ou mauvais…
Alors qui le dira ?

Moi-même ne le sais pas…

J’cours après le succès…

Et faut s’habituer…
1978

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