Idylle

IDYLLE
Maintenant sous le ciel tout repose ou tout aime.

Lamartine.
Sur l’herbe du verger, au pied de la charmille,

Le jeune homme est assis près de la jeune fille.

Chaque étoile à son tour pique le firmament ;

Mille senteurs dans l’air, mille chansons bénies

Unissent leurs parfums, croisent leurs harmonies ;

La nuit vient lentement.
Les montagnes au sud, par l’ombre atténuées,

Agrafent sur leur sein le manteau de nuées

Dont la splendeur du soir revêt leur nudité ;

Le vent passe embaumé de thym, de menthe & d’ambre,

Et, couronné de fruits, voici venir septembre

Aussi doux que l’été.
Les ménages charmants des pinsons, des mésanges

Emplissent les rameaux de murmures étranges,

Ivres comme au printemps de leur nouvel amour ;

Et le paysan las, sa bêche sur l’épaule,

Aiguillonne ses bÏufs avec sa grande gaule

Pour hâter le retour.
Au village à présent chaque foyer scintille.

Le jeune homme est assis près de la jeune fille :

En souriant, leurs deux mères les ont laissés ;

Sous le regard de Dieu, seuls, ils restent ensemble.

Lui, le cœur palpitant, la contemple ; elle, tremble

Les yeux sur lui fixés.
L’obscurité pourtant aux flancs de la montagne

Descend d’un pied furtif & peu à peu les gagne,

Quelques moments encore, ils ne se verront plus ;

Dans le vallon pourtant une vapeur légère

Flotte & s’étend déjà des champs pleins de fougère

Aux sapins chevelus.
Ils se taisent toujours. Mais derrière eux, sur l’herbe,

Est-ce un jeu de la nuit nonchalante & superbe

Qui rapproche sans cesse & bientôt confondra

Leurs deux ombres en une ? & de ses mains puissantes

Aura joint tout à fait leurs têtes rougissantes

Quand la lune viendra ?
La nature au repos chante avec indolence

Son éternel poëme. — O nature, silence !

Quel que soit ton génie, il est outre-passé ;

Un plus sublime accord nous émeut les entrailles,

Car, ici, le baiser des saintes fiançailles

Vers Dieu s’est élancé !
Les mères à pas lents sont enfin revenues,

Et les deux amoureux aux âmes ingénues

Sont allés les presser dans leurs bras triomphants :

« — Nous ne formerons plus qu’une famille,

« Mères, mères, voici votre fils, votre fille,

« Bénissez vos enfants ! »

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Louisa Siefert Apprenti Poète

Par Louisa Siefert

Louisa Siefert, née à Lyon le 1er avril 1845 et morte à Pau le 21 octobre 1877, est une poétesse française.
Louisa Siefert (1845 - 1877) était une poétesse française qui a laissé une poésie empreinte de douleur mais soutenue d’un vif spiritualisme protestant. Son premier recueil de poèmes, Rayons perdus, paru en 1868, connaît un grand succès. En 1870, Rimbaud s'en procure la quatrième édition et en parle ainsi dans une lettre à Georges Izambard : « J'ai là une pièce très émue et fort belle, Marguerite […]. C'est aussi beau que les plaintes d'Antigone dans Sophocle.»

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