Liberté

Analyse du Poème ‘Liberté’ de Paul Eluard
Le poème Liberté a été écrit et publié en 1942 par Paul Eluard alors qu’il était actif dans la résistance française. Le titre original du poème était surtout ‘Une seule pensée’ et le texte était initialement destiné à la femme que le poète aimait (Nusch) jusqu’à ce qu’il s’est aperçu que le seul mot qu’il avait en tête durant cette période de l’occupation allemande était le mot ‘Liberté’. Ainsi, déclare t-il, ‘la femme que j’aimais incarnait un désir plus grand qu’elle. Je la confondais avec mon aspiration la plus sublime, et ce mot Liberté n’était lui-même dans tout mon poème que pour éterniser une très simple volonté, très quotidienne, très appliquée, celle de se libérer de l’Occupant’. La paix et la communion avec le monde et la nature l’avaient emporté. Le poème est parsemé de références à la nature, à la synesthésie et va des lieux impersonnels aux lieux très intimes. Le poème est ainsi devenu un symbole lors du refus des intellectuels français de se soumettre à l’oppression nazie. Le poème est devenu tellement célèbre qu’il continue à ce jour de rappeller de nostalgique souvenirs d’enfance à beaucoup de francophones à travers le monde qui l’ont tous étudié à l’école primaire. Les mots utilisés par Eluard dans ce texte sont extrêmement simples, mais le poète a aussi utilisé des métaphores éblouissantes.
Le poème a été publié le 3 avril 1942, sans aucune censure apparente et fut placé en tête du recueil de poésie clandestin ‘Poésie et Vérité’. Il aurait été repris en juin 1942 dans le magazine Fontaine, suite aux recommandations de Max Pol Fouchet avec le titre ‘Une seule Pensée’. La même année, il a été également publié à Londres dans le magazine gaulliste officiel ‘La France Libre’ et des milliers d’exemplaires ont été largués et parachutés par les avions britanniques de la Royal Air Force au-dessus du maquis français occupé. En 1945, le poème a été publié par les Éditions de Minuit dans un des recueils de poésie de Paul Eluard ‘Au Rendez-Vous Allemand’.
C’est un poème assez long et le motif répétitif reste dans les mémoires. À travers ses 21 strophes, Paul Eluard a imprégné métaphores, anaphores et images originales jusqu’à la fin du poème, lorsque le mot Liberté fait exploser le poème en entier. Le texte est composé de 21 quatrains, qui suivent le même schéma. Éluard nomme de nombreux lieux, réels ou imaginaires, sur lesquels il écrira le mot liberté. Les trois premières lignes commencent chacune par ‘Sur’, suivies de la désignation d’un lieu, et la dernière ligne est reprise 20 fois comme un refrain: ‘J’écris Ton Nom’. La 21ème strophe révèle une affirmation ‘Pour te nommer Liberté’.
Paul Eluard (Eugène Emile Paul Grindel) est l’une des pierres angulaires du surréalisme et il est probablement grâce à ce poème le poète le plus étudié dans les lycées français. Pour avoir été un rebelle même dans les milieux littéraires français, il a su réussir à faire entendre sa voix dans la violence cacophonique des guerres. C’était un écrivain pacifiste pour qui le monde était illusoirement ‘Bleu comme une orange’.
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Sur mes cahiers d’écolier

Sur mon pupitre et les arbres

Sur le sable de neige

J’écris ton nom
Sur toutes les pages lues

Sur toutes les pages blanches

Pierre sang papier ou cendre

J’écris ton nom
Sur les images dorées

Sur les armes des guerriers

Sur la couronne des rois

J’écris ton nom
Sur la jungle et le désert

Sur les nids sur les genêts

Sur l’écho de mon enfance

J’écris ton nom
Sur les merveilles des nuits

Sur le pain blanc des journées

Sur les saisons fiancées

J’écris ton nom
Sur tous mes chiffons d’azur

Sur l’étang soleil moisi

Sur le lac lune vivante

J’écris ton nom
Sur les champs sur l’horizon

Sur les ailes des oiseaux

Et sur le moulin des ombres

J’écris ton nom
Sur chaque bouffées d’aurore

Sur la mer sur les bateaux

Sur la montagne démente

J’écris ton nom
Sur la mousse des nuages

Sur les sueurs de l’orage

Sur la pluie épaisse et fade

J’écris ton nom
Sur les formes scintillantes

Sur les cloches des couleurs

Sur la vérité physique

J’écris ton nom
Sur les sentiers éveillés

Sur les routes déployées

Sur les places qui débordent

J’écris ton nom
Sur la lampe qui s’allume

Sur la lampe qui s’éteint

Sur mes raisons réunies

J’écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux

Du miroir et de ma chambre

Sur mon lit coquille vide

J’écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre

Sur ses oreilles dressées

Sur sa patte maladroite

J’écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte

Sur les objets familiers

Sur le flot du feu béni

J’écris ton nom
Sur toute chair accordée

Sur le front de mes amis

Sur chaque main qui se tend

J’écris ton nom
Sur la vitre des surprises

Sur les lèvres attendries

Bien au-dessus du silence

J’écris ton nom
Sur mes refuges détruits

Sur mes phares écroulés

Sur les murs de mon ennui

J’écris ton nom
Sur l’absence sans désir

Sur la solitude nue

Sur les marches de la mort

J’écris ton nom
Sur la santé revenue

Sur le risque disparu

Sur l’espoir sans souvenir

J’écris ton nom
Et par le pouvoir d’un mot

Je recommence ma vie

Je suis né pour te connaître

Pour te nommer
Liberté

Extrait de: 
Poésies et vérités, 1942

Paul Eluard
Liberté
Poésie Engagée

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Paul Eluard Apprenti Poète

Par Paul Eluard

Paul Éluard, nom de plume d'Eugène Grindel, né à Saint-Denis le 14 décembre 1895 et mort à Charenton-le-Pont le 18 novembre 1952, est un poète français. En 1916, il choisit le nom de Paul Éluard, patronyme emprunté à sa grand-mère maternelle, Félicie.

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Paysage mauvais

Ô l’ai je dict ? helas ! l’ai je songé ?