La Promenade

Oui, nous dit le pâle Ramon,

Dont la tristesse fut touchante,

Même ici, je regrette mon

Pays, où la lumière chante.
Chaque Parisienne, au Bois,

Reluit comme une friandise

Et nous met le coeur aux abois;

Mais, permettez que je le dise,
Rien n’est plus splendide et vermeil

Que l’Alameda de Grenade,

A l’heure fauve où le soleil

Teint de ses feux la promenade.
Les myrtes et les blancs jasmins,

Groupés en corbeilles hautaines,

Embaument tout l’air des chemins,

Où se lamentent les fontaines.
Le zéphyr frissonne, subtil,

Dans le feuillage de chaque arbre,

Et le beau fleuve, le Genil,

Arrive dans son lit de marbre.
Il descend vers l’Alameda;

Son flot, sur les monts grandioses,

Vient de la sierra Nevada

Dont les escarpements sont roses.
L’oeillet rouge sur le chignon,

Le front riant sous leurs mantilles,

Passent, d’un pas leste et mignon,

Les dames et les jeunes filles.
On voit briller leurs dents d’émail,

Et leur main folâtre, qui joue,

Fait caresser par l’éventail

Les pâles roses de leur joue.
Que de fières beautés sont là!

Gracia dont le front se dore,

Dolorès, Teresa, Gala,

Martirio que tout adore;
Carmen, dont le vent querelleur

Baise en riant la blancheur mate.

Et Juana dont la bouche en fleur

Est une grenade écarlate!
Paris, décembre 1879.

Voter pour ce poème!

Théodore de Banville Apprenti Poète

Par Théodore de Banville

Etienne Jean Baptiste Claude Théodore Faullain de Banville, né le 14 mars 1823 à Moulins (Allier) et mort le 13 mars 1891 à Paris, est un poète, dramaturge et critique français. Célèbre pour les « Odes funambulesques » et « les Exilés », il est surnommé « le poète du bonheur ».

Ce poème vous a-t-il touché ? Partagez votre avis, critique ou analyse !

Les poètes sculptent la réalité avec des mots. Devenez un sculpteur, tel un Rodin du commentaire.
S’abonner
Notifier de
Avatar
guest
0 Avis
Inline Feedbacks
View all comments

Contre la peine de mort

La Dévastation du Musée et des monumens