Ma Muse

Je chante l’Europe, ses chemins de fer et ses théâtres

Et ses constellations de cités, et cependant

J’apporte dans mes vers les dépouilles d’un nouveau
monde :

Des boucliers de peaux peints de couleurs violentes,

Des filles rouges, des canots de bois parfumés, des
perroquets,

Des flèches empennées de vert, de bleu, de jaune,

Des colliers d’or vierge, des fruits étranges, des arcs
sculptés,

Et tout ce qui suivait

Colomb dans

Barcelone.

Mes vers, vous possédez la force, ô mes vers d’or,

Et l’élan de la flore et de la faune tropicales,

Toute la majesté des montagnes natales,

Les cornes du bison, les ailes du condor 1

La muse qui m’inspire est une dame créole,

Ou encore la captive ardente que le cavalier emporte

Attachée à sa selle, jetée en travers de la croupe,

Pêle-mêle avec des étoffes précieuses, des vases d’or et
des tapis,

Et tu es vaincu par ta proie, ô llanero !

Mes amis reconnaissent ma voix, ses intonations
Familières d’après dîner, dans mes poèmes. (Il suffit de savoir mettre l’accent où il faut.)

Je suis agi par les lois invincibles du rythme,

Je ne les comprends pas moi-même : elles sont là. 0

Diane,

Apollon, grands dieux neurasthéniques

Et farouches, est-ce vous qui me dictez ces accents.

Ou n’est-ce qu’une illusion, quelque chose

De moi-même purement — un borborygme?

Valery Larbaud

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