L’ennui de Léonore

Quel chagrin obscurcit tes yeux ?
Qu’as-tu, ma chère Léonore,
Toi qu’une souris si gracieuse
Naguère embellissait encore ?
Un amour tendre et malheureux
A cessé de troubler ta vie ;
Tout prévient, tout remplit tes vœux…
« Hélas ! dit-elle, je m’ennuie.

Oui, je dois, je veux fuir l’amour ;
Ma liberté, c’est toi que j’aime.
Mais avec toi pourquoi le jour
Est-il d’une longueur extrême ?
Pour mieux tromper les vains désirs,
Des arts la charmante magie
Devait remplir tous mes loisirs :
Je les cultive ; et je m’ennuie.

J’ai cru que sans témérité
Je pouvais chercher la sagesse ;
Suivre la froide vérité,
Et surtout bannir la tendresse.
J’ai trouvé sagesse et raison,
Même un peu de philosophie ;
Je suis docile à sa leçon,
Je lis, je pense, et je m’ennuie.

J’ai voulu donner tout mon cœur
A l’amitié tendre et fidèle ;
Je lui confiai mon bonheur,
Et je prétendis n’aimer qu’elle.
Pour présider à mon destin.
Toujours, au gré de mon envie,
Je la trouve soir et matin ;
Elle est constante ; et je m’ennuie.

J’aime les différents appas
De Melpomène et de Thalie ;
Je trouve à la fin d’un repas
Les ris, les jeux et la folie ;
Et si le déclin d’un beau jour
M’offre une douce rêverie,
Je puis à mon gré, tour à tour,
Rire ou rêver ; et je m’ennuie. »

Des beaux-arts, lui dis-je à mon tour,
Tu n’as pas goûté tous les charmes.
Les Muses célèbrent l’amour,
Et ne sentent pas ses alarmes.
Sans rien coûter à ta raison,
Elles enchanteront ta vie ;
Jamais, dans le sacré vallon,
On n’entend dire : Je m’ennuie.

Voter pour ce poème!

Un poème sans commentaire, c'est comme un cadeau sans emballage. Ne laisse pas ce poème sans la possibilité de recevoir tes réactions et tes pensées!

Ce poème vous a-t-il touché ? Partagez votre avis, critique ou analyse !

S’abonner
Notifier de
guest
0 Avis
Inline Feedbacks
View all comments