Pleine Nuit en Mer

La côte montagneuse est éclairée à giorno par la pleine
lune qui voyage avec nous

La

Croix du

Sud est à l’est et le sud reste tout noir

Il fait une chaleur étouffante

De gros morceaux de bois nagent dans l’eau opaque

Sur le pont les deux acrobates

Allemandes se promènent
aux trois quarts nues

Elles cherchent de la fraîcheur

Le petit médecin portugais qui accompagne les émigrants de sa nation jusqu’à

Buenos-Aires digne de
l’œil en passant devant moi

Je le vois s’engouffrer avec les deux

Allemandes dans
une grande cabine inoccupée

Deux navires passent à tribord puis trois à bâbord

Tous les cinq sont éclairés comme pour une fête de nuit

On se croirait dans le port de

Monte-Carlo et la forêt
vierge pousse jusque dans la mer

En dressant l’oreille et en tendant toutes mes facultés
d’attention j’entends comme le bruissement des
feuilles

Ou peut-être mon chagrin de quitter le bord demain

Au bout d’un grand quart d’heure je perçois la mince
chanson d’un émigrant sur le gaillard avant où du linge
sèche à la lune et me fait des signes

Blaise Cendrars
Mer

Dans l'univers des poèmes, chaque commentaire est une pépite de Proust. Partagez votre trésor.

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