Alphonse Beauregard

Poète québécois né le 5 janvier 1881 à La Patrie dans le comté de Compton, Alphonse Beauregard est décédé le 15 janvier 1924 à Montréal.

Moins célèbre que les poètes Émile Nelligan (1879-1941) ou Nérée Beauchemin (1850-1931), Alphonse Beauregard est, comme eux, lié à la première aventure relativement structurée, d’un groupe d’écrivains canadiens francophones décidés à promouvoir la littérature en la soustrayant, autant que faire ce peut, aux prérogatives cléricales ou politiques.

Alphonse Beauregard est né à La Patrie, petite ville du Québec blottie au pied du Mont-Mégantic à 150 kilomètres de Montréal et à 17 km au nord de la frontière entre le Canada et les États Unis. Un coin calme et prospère qui se distingue par la beauté de ses terres et sa forêt.
Beauregard doit très tôt, à la mort de son père, abandonner ses études. Il pratique alors divers métiers pour vivre tout en publiant dès 1906 ses poèmes dans quelques journaux, parfois même sous le pseudonyme de A.Chasseur.
Il prend une part active à la rédaction du Terroir, (trouver l’âme du peuple), revue de l’École littéraire de Montréal en en devenant secrétaire tout en travaillant comme commis au Port de Montréal. Il deviendra assistant du gérant de l’entrepôt frigorifique.

Son nom apparaît pour la première fois en 1900 dans les cahiers des séances de L’École littéraire de Montréal puis en 1905 et, plus régulièrement, à partir de 1907. Il est enfin admis comme membre en 1908.
Pour être membre de ce groupe de poètes, « il faut travailler avec tout le soin et toute la diligence possible à la conservation de la langue française et au développement de la littérature nationale » (séance du 16 avril 1909).
L’École est située à Montréal et vise à ressembler à l’Académie française. Les membres se réunissent tout d’abord à l’Hôtel de ville puis, en face de celle-ci, au Château de Ramezay. Toutefois, devant les difficultés financières (il fallait payer un loyer), les réunions auront bientôt lieu chez les poètes eux-mêmes, à tour de rôle. Le nombre de membre est limité à 30 et sont tous canadiens français, « de bonne réputation et bon esprit ». On y lit des poèmes, souvent à l’accent parnassien et on en fait la critique « avec modestie et civilité », on en exclu la politique et la religion. On feuillette les dictionnaires, on déclame, on discute.
Cette École, ouvertement française, est une École du terroir se gardant de toute imitation étrangère et cherchant dans le Canada, les idées, les sentiments, les aspirations qu’elle doit développer. Il y a nécessité de trouver un équilibre entre la nationalisation de la littérature et le fait de faire passer à travers cette âme canadienne, le tempérament qui lui est propre.

En 1923, Alphonse Beauregard est élu président de l’École. Malheureusement ce mandat fut de courte durée. Sa dernière séance est celle du 2 janvier 1924. Le dimanche suivant il est victime d’un accident mortel. Il est asphyxié, à son domicile, par les émanations de son poêle à gaz. Dans l’édition du Devoir du mardi 15 janvier, nous pouvons lire cet entrefilet « Mort d’un poète. M. Beauregard est l’auteur de deux recueils de poésie qui comptent parmi les meilleurs qu’ait produits la littérature canadienne . Ce sont les Forces et les Alternances. »
Un autre écrivain, Louis Dantin (1885-1945) qui assiste à des séances publiques de l’École littéraire de Montréal, écrit dans ses Essais critiques :
« Il serait tout à fait un grand poète et nous ne pouvons exiger cela. Il me suffit qu’il soit, en une forme souvent admirable, le plus chercheur, le plus réfléchi, le plus mentalement actif, le plus curieux de sensations rares, le plus indépendant, peut-être, en somme le plus nettement personnel de tous nos poètes ». « Alphonse Beauregard, exigeant, rigoureux, pessimiste et stoïque est le seul métaphysicien de l’époque, bien supérieur à la plupart des poètes de l’École littéraire. »
Dans les Alternances, « L’art de Beauregard s’y montre comme jadis, essentiellement cérébral et subtil. Ses visions sont surtout des visions d’idées. Le sentiment, s’il perce, n’est jamais entièrement libre des activités de l’esprit. Le poète est un philosophe qui en même temps s’exalte et médite, célèbre et analyse, qui observe et qui pèse sa propre émotion. Il n’est donc ni naïf, ni spontané au sens des poètes-rossignols »

Il a regardé la vie en philosophe. La vie est une école sévère. Au cours de sa vie changeante, l’homme subit des alternances diverses. Ce qui compte c’est l’effort …

Son œuvre :
– Les Forces 1912, 168 pages.
– Les Alternances, 1921, 145 pages.
– Les Lettres (poèmes) dans la revue moderne, 1925.

Les deux recueils évitent tout pittoresque pour se concentrer sur les grands problèmes du Temps, du Néant. Cette poésie rigoureuse émeut par son abstraction même, sa lucidité, son pessimisme.

« Je cherche en vain la vérité,
Un homme dit « elle est ici »
Un autre fait signe « Elle est là »
Mais je ne trouve rien qu’un décalque d’eux mêmes »

Les Forces (Impuissance)