Le Mariage de Rutebeuf

Même le sot me traite de sot.
Maintenant, n’ayant plus de trame, je n’ai plus qu’à filer,
et j’ai fort à faire.

Dieu n’a pas créé d’âme si insensible qui, à considérer mon martyre, n’oublie que je lui ai causé du tort
et du tourment, et n’accepte de dire sans arrière-pensée :
«

J’oublie tout. »

Car envoyer un homme en

Egypte est un châtiment moins rude que celui que je subis.

Rien que d’y penser, je ne puis m’empêcher de trembler.

On dit qu’un fou qui ne commet pas de folies
perd son temps : me suis-je marié sans raison ?

En tout cas, je n’ai plus ni masure ni maison,
mais voilà encore mieux : pour combler de joie
les gens qui me haïssent à mort,
j’ai épousé une femme que je suis seul capable d’aimer et d’apprécier, et qui était pauvre et misérable
quand je l’ai épousée.
Quel beau mariage,
car je suis maintenant aussi pauvre et misérable qu’elle !
Elle n’est même pas avenante ni belle,
elle a cinquante ans sur les épaules,
elle est maigre et sèche : je n’ai pas peur qu’elle me trompe

Depuis que

Marie dans la crèche
mit

Dieu au monde, on ne vit un tel ménage.

Rutebeuf
Mariage

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