Leïla

Tu as loué Leïla en rimes qui, par leur enchaînement, donnent l’idée d’une étoffe rayée d’Yémen.

Traduction d’un poème arabe, Notes des Orientales.

Il semble qu’aux sultans Dieu même

Pour femmes donne ses houris.

Mais, pour moi, la vierge qui m’aime,

La vierge dont je suis épris,
Les sultanes troublent le monde

Pour accomplir un de leurs voeux.

La vierge qui m’aime est plus blonde

Que les sables sous les flots bleus.
Le duvet où leur front sommeille

Au poids de l’or s’amoncela.

Rose, une rose est moins vermeille

Que la bouche de Leïla.
Elles ont la ceinture étroite,

Les perles d’or et le turban.

Sa taille flexible est plus droite

Que les cèdres du mont Liban !
Le hamac envolé se penche

Et les berce en son doux essor.

L’étoile au front des cieux est blanche,

Mais sa joue est plus blanche encor.
Elles ont la fête nocturne

Aux lueurs des flambeaux tremblants.

Ses bras comme des anses d’urne

S’arrondissent polis et blancs.
Elles ont de beaux bains de marbre

Où sourit le ciel étoilé.

Comme elle dormait sous un arbre,

J’ai vu son beau sein dévoilé.
Chaque esclave au tyran veut plaire

Comme chaque fleur au soleil.

Elle n’a pas eu de colère

Quand j’ai troublé son cher sommeil,
Dans leurs palais d’or, prisons closes,

Leurs chants endorment leurs ennuis.

Elle m’a dit tout bas des choses

Que je rêve tout haut les nuits !
Sa Hautesse les a d’un signe.

Il est le seul et le premier.

Ses bras étaient comme la vigne

Qui s’enlace aux bras du palmier !
Quand un seul maître a cent maîtresses,

Un jour n’a pas de lendemain.

Elle m’inondait de ses tresses

Pleines d’un parfum de jasmin !
Ce sont cent autels pour un prêtre,

Ou pour un seul char cent essieux.

Nous avons cru voir apparaître

La neuvième sphère des cieux !
Quelquefois les sultanes lèvent

Un coin de leur voile en passant.

Nous avions l’extase que rêvent

Les élus du Dieu tout-puissant !
Mais ce crime est la perte sûre

Des amants, toujours épiés.

Laissez-moi baiser sa chaussure

Et mettre mon front sous ses pieds !
Février 1841.

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Théodore de Banville Apprenti Poète

Par Théodore de Banville

Etienne Jean Baptiste Claude Théodore Faullain de Banville, né le 14 mars 1823 à Moulins (Allier) et mort le 13 mars 1891 à Paris, est un poète, dramaturge et critique français. Célèbre pour les « Odes funambulesques » et « les Exilés », il est surnommé « le poète du bonheur ».

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