Au Démon secret

Le peuple, sans perplexité, vénère. Il encense, invoque ou répudie. Il donne trois, ou six ou neuf prosternements. Il mesure son respect à la compétence, aux attributs, aux grâces qu’il escompte juste.
Car il sait précisément les goûts du génie de l’âtre ; les dix-huit noms du singe qui donne la pluie ; la cuisson de l’or comestible et du bonheur.
o
De quelles cérémonies l’honorer ce démon que je loge en moi, qui m’entoure et me pénètre ? De quelles cérémonies bienfaisantes ou maléfiques ?
Vais-je agiter mes manches en respect ou brûler des odeurs infectes pour qu’il fuie ?
De quels mots d’injures ou glorieux le traiter dans ma vénération quotidienne : est-il le Conseiller, le Devin, le Persécuteur, le Mauvais ?
Ou bien Père et grand Ami fidèle ?
o
J’ai tenté tout cela et il demeure, le même en sa diversité,
Puisqu’il le faut, ô Sans-figure, ne t’en va point de moi que tu habites :
Puisque je n’ai pu te chasser ni te haïr, reçois mes honneurs secrets.

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Victor Segalen Apprenti Poète

Par Victor Segalen

Né à Brest en 1878, médecin de marine, archéologue, critique d'art, Victor Segalen est avant tout poète. Pour lui, vivre, voyager et écrire ne font qu'un. Sa vie est marquée par le mystère : écrivain du secret, il en protège l'intimité et meurt à quarante et un ans dans la forêt du Huelgoat, d'une mort aussi insolite que son oeuvre.

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