Le Statuaire et la Statue de Jupiter

Un bloc de marbre était si beau
Qu’un statuaire en fit l’emplette.
« Qu’en fera, dit-il, mon ciseau ?
Sera-t-il Dieu, table ou cuvette ?
Il sera Dieu ; même je veux
Qu’il ait en sa main un tonnerre.
Tremblez, humains. Faites des vœux ;
Voilà le Maître de la terre. »
L’artisan exprima si bien
Le caractère de l’idole,
Qu’on trouva qu’il ne manquait rien
À Jupiter que la parole :
Même l’on dit que l’ouvrier
Eut à peine achevé l’image,
Qu’on le vit frémir le premier,
Et redouter son propre ouvrage.
À la faiblesse du sculpteur
Le poète autrefois n’en dut guère,
Des dieux dont il fut l’inventeur
Craignant la haine et la colère.
Il était enfant en ceci ;
Les enfants n’ont l’âme occupée
Que du continuel souci
Qu’on ne fâche point leur poupée.
Le cœur suit aisément l’esprit :
De cette source est descendue
L’erreur païenne, qui se vit
Chez tant de peuples répandue.
Ils embrassaient violemment
Les intérêts de leur chimère :
Pygmalion devint amant
De la Vénus dont il fut père.
Chacun tourne en réalités,
Autant qu’il peut, ses propres songes :
L’homme est de glace aux vérités ;
Il est de feu pour les mensonges.

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Jean de La Fontaine Apprenti Poète

Par Jean de La Fontaine

Jean de La Fontaine, né le 8 juillet 1621 à Château-Thierry et mort le 13 avril 1695 à Paris, est un poète français de grande renommée, principalement pour ses Fables et dans une moindre mesure pour ses contes.

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