A la Fin de L’Année

Nous avançons toujours
Un fleuve plus épais qu’une grasse prairie
Nous vivons d’un seul jet
Nous sommes du bon port
Le bois qui va sur l’eau l’arbre qui file droit

Tout marché de raison bâclé conclu s’oublie

Où nous arrêterons-nous

Notre poids immobile creuse notre chemin
Au loin les fleurs fanées des vacances d’autrui
Un rien de paysage suffisant
Les prisons de la liberté s’effacent
Nous avons à jamais
Laissé derrière nous l’espoir qui se consume
Dans une ville pétrie de chair et de misère
De tyrannie
La paupière du soleil s’abaisse sur ton visage
Un rideau doux comme ta peau
Une aile salubre une végétation
Plus transparente que la lune du matin
Nos baisers et nos mains au niveau de nous-mêmes
Tout au-delà ruiné
La jeunesse en amande se dénude et rêve
L’herbe se relève en sourdine
Sur d’innocentes nappes de petite terre
Premier dernière ardoise et craie

Fer et rouille seul à seule

Enlacés au rayon debout

Qui va comme un aveu Écorce et source redressée

L’un à l’autre dans le présent

Toute brume chassée

Deux autour de leur ardeur

Joints par des lieues et des années
Notre ombre n’éteint pas le feu

Nous nous perpétuons.
Au-dessous des sommets
Nos yeux ferment les fenêtres
Nous ne craignons pas la paix de l’hiver
Les quatre murs éteints par notre intimité
Quatre murs sur la terre
Le plancher le plafond
Sont des cibles faciles et rompues
A ton image alerte que j’ai dispersée
Et qui m’est toujours revenue
Un monotone abri

Un décor de partout
Mais c’est ici qu’en ce moment

Commencent et finissent nos voyages

Les meilleures folies

C’est ici que nous défendons notre vie

Que nous cherchons le monde
Un pic écervelé aux nuages fuyants au sourire éternel

Dans leurs cages les lacs au fond des trous la pluie

Le vent sa longue langue et les anneaux de la fraîcheur
La verdure et la chair des femmes au printemps

La plus belle est un baume elle incline au repos

Dans des jardins tout neufs amortis d’ombres tendres

Leur mère est une feuille

Luisante et nue comme un linge mouillé
Les plaines et les toits de neige et les tropiques luxueux

Les façons d’être du ciel changeant

Au fil des chevelures
Et toujours un seul couple uni par un seul vêtement
Par le même désir
Couché aux pieds de son reflet
Un couple illimité.

Paul Eluard

Voter pour ce poème!

Paul Eluard Apprenti Poète

Par Paul Eluard

Paul Éluard, nom de plume d'Eugène Grindel, né à Saint-Denis le 14 décembre 1895 et mort à Charenton-le-Pont le 18 novembre 1952, est un poète français. En 1916, il choisit le nom de Paul Éluard, patronyme emprunté à sa grand-mère maternelle, Félicie.

Ce poème vous a-t-il touché ? Partagez votre avis, critique ou analyse !

Dans le monde de la poésie, chaque mot compte. Votre voix a sa place ici.
S’abonner
Notifier de
Avatar
guest
0 Avis
Inline Feedbacks
View all comments

L’Églantine, l’aubépine et la glycine

Poids de la vie