Ein grab in der luft

André Velter
par André Velter
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Je n’ai les mots ni la langue qui tue et chante tout à la fois.
Je n’ai, clouée sous les ongles,

aucune rumeur d’enfance

comme celle de l’orphelin tombé des convois,

et qui ne s’apprend pas,

ni ce legs agrippé pour toujours

aux barbelés de
Pologne.

Je n’ai voix assez rauque,

assez exténuée, assez trouée,

je parle par défaut sans m’écorcher

si profond que cela,

gorge à sec à force de recoudre

l’écho du marteau à briser les tympans, l’écho

du ressac de ballast qui ne sait plus s’il frappe

au dehors ou au dedans des dents, l’écho

de ce qui chuinte au coin de vieilles lèvres

jusqu’à ne plus faire bouche,

quand on a oublié note à note la musique,

lettre à lettre le sens du dernier can tique.

Comment se peut-il que sans être incurable on ne veuille pas guérir ?

On retourne à la ritournelle qui broie du silence et du rouge et du noir sur les écrans du monde.

Où est cette tombe dans un souffle d’air

qui attend des suppliciés

dont il ne reste pas même un nom,

pas même une ombre sur la face lisse du ciel ?

Monte du sol une buée grise qui masque les lointains, c’est de la cendre ou peut-être pas,

un petit jour qui ne fait pas une aube, quelque chose comme de la poussière d’âmes qui monte et monte, stagne et approche avec son escorte de corbeaux.

La mort n’est plus seulement un maître d’Allemagne il y a tant de dialectes maintenant où lâcher les

molosses, jouer avec les serpents, hurler qu’il faut creuser et creuser l’interminable fosse commune, tant de prénoms qui sortent des enfers sans leurs
Eurydice de fumée, tant de poids morts à porter, à traduire, à cracher dans toutes les langues blessées à mort qui disent qu’un homme habite la maison et que c’est un bourreau, plus seulement un maître à l’œil bleu mais un milicien de partout.

Comment se peut-il que sans être incurable on ne veuille pas guérir ?

On retourne à la ritournelle qui broie du silence et du rouge et du noir sur les écrans dxi monde.

Où est cette tombe dans un souffle d’air quand manque jusqu’au souffle, que l’infini est à l’étroit et l’absence serrée dans un cadre vide ?

Monte du sol une fumée qui n’a pas d’horizon, c’est

du soufre ou peut-être pas, une maladie qui ne lait pas de flamme, quelque chose comme du feu froid qui monte et monte, stagne et approche avec sa garde de potences.

La botte écrase la montre et le poignet,

l’heure est la même
Sulamith,
Margarete,

pour tous les maîtres d’Allemagne

qui donnent de la mâchoire en serbe ou en chinois,

en russe, turc, anglais, arabe, français, coréen,

l’heure est la même
Leïla,
Tséring,
Marina,

pour tous les chiens qui aboient

après cette tombe qui ne retient pas un nom,

pas une ombre dans un souffre d’air.

Les langues blessées à mort disent qu’un homme habite la maison et qu’il siffle par-dessus les corps jetés aux corbeaux alors que pour creuser et creuser il ne reste personne.

Comment se peut-il que sans eue incurable on ne veuille pas guérir ?

On retourne à la ritournelle qui broie du silence et du rouge et du noir sur les écrans du monde.

Je n’ai les mots ni la langue

qui tue et chante tout à ia lois.

Je n’ai voix assez rauque,

assez exténuée, assez trouée…

Un homme qui ressemble à un autre

habite la maison.

Le maîu’e d’Allemagne engrange en tous pays.

Il y a dans le décor des cadavres sans cause.

La mort est un bourbier recouvert d’oiseaux noirs.

Comment se peut-il que sans être incurable on ne veuille plus guérir ?

D’une bouteille jetée à la
Vistule sur le chemin de la chambre à gaz remonte le message d’un anonyme après quoi tout se lait :

Le mot chien aboie-t-il ?

André Velter

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